La médiatrice de l’UE critique la Commission européenne sur son accord avec la Tunisie
A Bruxelles, Emily O’Reilly a déploré le 25 novembre 2024, pour la deuxième fois en un mois, « l’absence de documentation » sur les actes préparatoires en vue de la rencontre de von der Leyen, Meloni et Rutte avec le président tunisien Kais Saïed en juin 2023.
« Aucun document ne montre que la réunion a été correctement préparée ni même qu’il y a eu une discussion formelle a minima entre la Commission, l’Italie et les Pays-Bas à ce sujet », a ainsi déclaré la médiatrice, pour qui l’accord fut bâclé, préparé dans l’urgence, sans en vérifier les conditions et les conséquences.
Pour rappel, il s’agit du désormais célèbre sommet du 11 juin 2023, organisée à Tunis en présence du président Saïed, par la présidente de la Commission Ursula von der Leyen et les premiers ministres italien et néerlandais, Giorgia Meloni et Mark Rutte (aujourd’hui secrétaire général de l’OTAN). Avant que l’Union européenne et la Tunisie ne signent le 17 du même mois un protocole d’accord sur de nombreuses questions, principalement la migration, le développement économique, le commerce et l’énergie verte.
« Mauvaise gouvernance »
Pour la médiatrice européenne, il s’agit d’un cas de « mauvaise administration » de la part de la Commission, qui n’a pas été en mesure de produire des documents relatifs aux échanges d’informations avec les États membres ni même aux échanges internes qui ont eu lieu au sein de l’exécutif européen pour préparer la réunion.
Dans un premier temps, la Commission n’a été en mesure de produire aucun document répondant aux demandes du Médiateur, mais par la suite, elle n’en a trouvé que treize, dont quelques notes internes, révèle une source à Bruxelles. Le manque de documents aurait surpris le Médiatrice car une réunion à ce niveau élevé a nécessairement impliqué des échanges préalables entre les différents services de la Commission et avec les Etats membres.
« Il aurait fallu au minimum avoir des échanges avec l’Italie et les Pays-Bas », selon O’Reilly. Pourtant, aucun des treize documents identifiés par la Commission ne couvre ce type d’échanges avant la réunion de juin. De plus, la Commission « n’a pas fourni d’explications raisonnables quant à l’absence de ces documents supplémentaires », d’après la même source.
La médiatrice a également regretté que la Commission ait mis près de douze mois pour réviser sa décision initiale, malgré le fait que le règlement de l’UE sur l’accès aux documents prévoit un délai maximum de 30 jours ouvrables pour de tels réexamens.
Si le nombre d’arrivées de migrants irréguliers en provenance de Tunisie a fortement chuté sur les neuf premiers mois de l’année depuis la signature de l’accord (il a diminué de 64 %, selon les données de Frontex, et a poussé la Commission à multiplier ce type d’accords avec d’autres pays, dont l’Egypte, le Liban ou la Mauritanie), le texte qui prévoyait le déboursement d’une enveloppe d’aide budgétaire de 150 millions d’euros pour la Tunisie, ainsi qu’une autre enveloppe de 105 millions d’euros pour financer des aides à la lutte contre l’immigration irrégulière, a été critiqué par les ONG de défense des droits humains et la gauche du Parlement européen.
Ces dernières fustigent « le mépris du pouvoir tunisien pour le sort des migrants ». « Le traitement des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés est de plus en plus préoccupant en Tunisie », indiquait encore en juillet une note des services de Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne.