Kamel Daoud, prix Goncourt 2024, accusé d’avoir exploité le traumatisme d’une survivante algérienne
Acclamé par les médias français après avoir reçu le prix Goncourt pour son roman Houris, Kamel Daoud se retrouve au cœur d’une polémique en Algérie. Saâda Arbane, survivante de la décennie noire, l’accuse d’avoir “utilisé” son histoire personnelle.
Bien que son nom n’apparaisse pas dans le roman Houris, récemment couronné du prix Goncourt, Saâda Arbane a déclaré lors d’une interview à la chaîne algérienne One TV que l’écrivain franco-algérien aurait exploité ses confidences pour en faire la trame de son livre.
Rescapée d’un massacre familial pendant la décennie noire des années 1990, cette jeune femme affirme avoir partagé son histoire traumatique dans un cadre thérapeutique avec l’épouse de Kamel Daoud, qui était alors sa psychiatre. Cette dernière était tenue au secret professionnel.
Des similitudes frappantes
“Un témoignage [qui] pourrait bien ébranler l’aura littéraire et médiatique entourant l’œuvre de Kamel Daoud, récompensé par le prix Goncourt pour son roman Houris”, commente le journal algérien El Watan. Pour rappel, le prix Goncourt est exclusivement attribué à des œuvres de fiction.
L’interview de Saâda Arbane révèle des similitudes troublantes entre son vécu et l’intrigue du roman. Des détails marquants de sa vie, tels que “la cicatrice au cou, les séquelles physiques d’un égorgement raté, la perte de la voix et le traumatisme d’un massacre familial” se retrouvent dans le récit de Houris.
Gallimard dénonce des accusations diffamatoires
Antoine Gallimard, éditeur de Kamel Daoud, a dénoncé ces allégations lundi 18 novembre, les qualifiant de “diffamatoires”, selon l’AFP. “Bien que Houris s’inspire des tragédies survenues en Algérie durant les années 1990, son intrigue, ses personnages et son héroïne sont purement fictifs”, a déclaré l’éditeur dans un communiqué.
Il a ajouté que, depuis la publication du roman, Kamel Daoud fait face à “de violentes campagnes diffamatoires orchestrées par certains médias proches d’un régime dont nul n’ignore la nature”. Par ailleurs, l’éditeur a rappelé que ses ouvrages avaient été bannis du Salon international du livre d’Alger.
Selon Saâda Arbane, le roman Houris emprunterait également des détails plus personnels, notamment son parcours thérapeutique ou sa relation avec sa mère. Après avoir vu sa famille massacrée par un groupe armé en 2015, la jeune femme avait entamé une thérapie avec une psychiatre, qui n’était autre que l’épouse de Kamel Daoud. Elle affirme que son histoire aurait été reproduite sans son consentement dans ce roman à succès, ce qu’elle qualifie de violation des règles élémentaires de déontologie.
“Il y a trois ans, Mme Daoud m’a invitée chez elle pour un café, dans la cité Hasnaoui à Oran. Kamel Daoud m’a alors demandé s’il pouvait s’inspirer de mon histoire pour un roman. J’ai refusé”, a-t-elle confié lors de son entretien. Aujourd’hui, elle se dit trahie et estime que son intimité ainsi que sa dignité ont été bafouées. Toujours selon ses déclarations, la famille Daoud lui aurait même suggéré qu’elle pourrait tirer un avantage financier d’une éventuelle adaptation cinématographique du roman.
D’éventuelles poursuites judiciaires
Si les allégations de Saâda Arbane sont avérées, des poursuites judiciaires pourraient être engagées contre l’épouse de Kamel Daoud pour “violation du secret professionnel”, selon le quotidien El Watan. En revanche, Saâda Arbane ne pourrait lancer aucune poursuite judiciaire contre Kamel Daoud, son nom n’étant jamais cité dans le roman.