Tunisie. Quel impact pour l’élection présidentielle américaine ?
Au moment où les Etats-Unis retiennent leur souffle avant l’annonce dans les toutes prochaines heures du 47ème président de l’histoire du pays, les Tunisiens suivent de près l’issue du scrutin, conscients que malgré l’importance toute relative du Maghreb dans l’échiquier géopolitique de la région MENA, la Tunisie y revêt une dimension clé pour la grande puissance que l’on appelait jadis « le gendarme du monde ».
Partons de ce que l’Histoire récente nous a déjà appris. Quatre années de mandat de Donald Trump entre janvier 2017 et janvier 2021 ont ainsi permis de dégager les grands axes de ce que l’on appelle la doctrine du non interventionnisme dont s’est prévalu Trump et son administration, une politique étrangère principalement motivée par l’impératif de la rigueur économique. Longtemps décomplexée quant à son impérialisme, notamment celui des néoconservateurs autour de Bush père et fils, la droite américaine a fini par déclencher les réserves y compris de son aile la plus radicale au sein du parti républicain.
C’est un fait chiffrable : imposer la démocratie partout dans le monde coûte cher… Très cher ! En atteste l’aventure afghane qui se chiffre en trillions de dollars et s’est terminé par le récent désastre que l’on connaît sous le mandat Joe Biden. Un rétablissement de la gouvernance des Talibans qui donne raison a posteriori à la doctrine Trump.
Un isolationnisme largement factice
Cependant plusieurs faits marquants du « premier » mandat Trump, si tant est qu’il y en ait un second, permettent de relativiser l’isolationnisme prétendu de ce dernier.
« Pour ceux qui ont des illusions sur Trump : Vous ne comprenez pas ! Quand Trump a bombardé la Syrie à deux reprises via des dizaines de missiles de croisière Tomahawk en avril 2017, a tenté de renverser le gouvernement du Venezuela, a commencé à armer l’Ukraine, a élargi l’OTAN à deux reprises, a obtenu des budgets militaires record, a largué un nombre record de bombes en Afghanistan, a approuvé la surveillance sans mandat de la FISA, a imposé des sanctions massives à la Russie, a déchiré les traités de contrôle des armements, a remis le Département d’État au faucon Mike Pompeo, a stationné des troupes américaines à Taïwan, a assassiné un général en chef de l’Iran, a mené un nombre record de frappes de drones, a installé un lobbyiste de Raytheon comme secrétaire à la Défense, a donné à Israël absolument tout ce qu’il voulait, a conclu d’énormes contrats d’armement avec l’Arabie saoudite et, plus récemment, a orchestré l’adoption du projet de loi de financement de la guerre de 100 milliards de dollars, il faisait tout cela pour combattre l’État profond », écrit le journaliste Michael Tracey en guise de piqure de rappel sur le réseau social X.
Car passés les slogans souverainistes et non-interventionnistes, l’aile la plus à droite du Parti républicain a toujours été en mesure de convaincre Trump d’agir au Proche Orient et ailleurs, souvent de manière encore plus débridée que ne l’on fait les démocrates US au nom du « Bien ».
En Tunisie, depuis le coup de force constitutionnel du président Kais Saïed le 25 juillet 2021, le moins que l’on puisse dire c’est que l’administration démocrate de Biden a eu maille à partir avec le nouveau pouvoir tunisien. « Un pouvoir autoritaire qui a démantelé les acquis démocratiques du Printemps arabe », a maintes fois martelé la Maison blanche depuis, via ses portes-paroles, allant jusqu’à diviser par deux le budget de son aide militaire à la Tunisie, pour la première fois dans l’histoire des deux pays, une sanction qui ne dit pas son nom.
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De la même façon, il faudrait relativiser les slogans nationalistes et panarabes du président Saïed, tout comme sa convocation de l’ambassadeur US en octobre 2021, puisque ce discours ne résiste pas toujours à l’épreuve des faits. Au plus fort de la tourmente, les opérations militaires conjointes d’entraînement entre l’United States Africa Command et l’armée tunisienne ont en effet continué de plus belle dans le sud tunisien et en méditerranée.
Une reconduction des démocrates, avec une élection de Kamala Harris demain, serait vraisemblablement synonyme de maintien de la pression américaine sur le pouvoir tunisien s’agissant du pluralisme et des libertés individuelles et politiques dans le pays. Mais un retour aux affaires de Donald Trump ne signifierait pas pour autant, paradoxalement, une carte blanche d’une administration républicaine à l’égard de Kais Saïed. Car si le trumpisme est généralement pro autoritarismes dans le monde, c’est par ailleurs une doctrine particulièrement hostile aux régimes qu’elle conçoit comme non alignés et bavards dans leur antisionisme.
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