Il y a vingt ans, Samira Bellil, autrice de « Dans l’enfer des tournantes » décédait

 Il y a vingt ans, Samira Bellil, autrice de « Dans l’enfer des tournantes » décédait

Samira Bellil, autrice de Dans l’enfer des tournantes, participe à « La marche des femmes », une action née de l’appel « Ni putes ni soumises » lancé en 2002 par la Fédération nationale des Maisons des potes. Partie de Vitry-sur-Seine le 1er février 2003, la marche a parcouru la France, sensibilisant au drame des « tournantes » (viols collectifs), avant d’arriver à Lille le 28 février 2003. (Photo: DENIS CHARLET / AFP)

C’est un jour marquant de tristesse. Il y a vingt ans, le 7 septembre 2004, Samira Bellil, âgée de 32 ans, s’éteignait des suites d’un cancer de l’estomac. Elle s’était fait connaître du grand public après avoir publié « Dans l’enfer des tournantes », un ouvrage dans lequel elle relatait la violence qu’elle avait subie, notamment de la part de son père, ainsi que les multiples viols qu’elle avait endurés dans son quartier.

 

Née le 24 novembre 1972 en Algérie, Samira Bellil a passé quelques années en Belgique, confiée à une nourrice, avant de rejoindre sa famille en Seine-Saint-Denis. Sa mère travaillait comme femme de ménage, tandis que son père était ouvrier dans une usine de cartonnage.

En octobre 2002, elle publie « Dans l’enfer des tournantes ». Un ouvrage qui trouve très vite un large écho auprès du public.

Dans ce livre, elle dévoile une enfance marquée par la violence : les coups infligés par son père, l’impuissance de sa mère, l’univers de la drogue et les conflits avec les filles de la cité.

À l’âge de 13 ans, elle refuse de vivre enfermée chez elle, aspirant à la même liberté que les garçons : « Je voulais vivre, respirer, profiter de la vie, quoi de plus naturel ? », confiait-t-elle à l’époque.

Tombée amoureuse d’un caïd du quartier, elle est victime de viols collectifs. Elle trouvera la force de dénoncer son agresseur, qui sera condamné à huit ans de prison. Ce qui lui vaut de devenir une paria. Elle est désormais considérée comme une « balance ».

Sa mère tarde à la soutenir, et son père ne parvient jamais à accepter qu’elle ait été « violée ». De plus, son avocate commise d’office oublie de la prévenir de la date du procès, l’empêchant ainsi de témoigner. Finalement, un autre avocat touché par son récit réussira à obtenir pour elle une compensation.

 

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Après avoir traversé de nombreuses épreuves – placements en foyer, petits emplois, toxicomanie et séjours en hôpital psychiatrique -, Samira Bellil devient éducatrice en Seine-Saint-Denis.

Son témoignage, selon elle, lui permet d’achever sa thérapie : « J’ai écrit ce livre pour que ce que j’ai vécu ne soit pas vain. Je voulais dire à celles qui ont traversé les mêmes épreuves que l’espoir existe. »

Elle insistait également sur l’importance de ne pas généraliser le stigmate des banlieues. « Il y a dans les cités des gens formidables qui se battent courageusement pour s’en sortir. Tous les jeunes de chez nous ne sont pas des violeurs, loin de là », aimait-elle rappeler.

Ironie du sort, deux ans après la publication de son livre et alors qu’elle semblait avoir surmonté la violence des hommes, c’est la maladie qui l’a tragiquement emportée…