Tunisie. Croissance économique : de nouveaux chiffres mitigés
Particulièrement attendus cette fois en raison de l’élection présidentielle imminente qui en font l’un des derniers bilans officiels d’avant 6 octobre, les statistiques relatives à la croissance communiquées le 16 août 2024 par l’Institut national de la statistique (INS) divisent les analystes en Tunisie.
Il s’agit d’abord de chiffres dits post « correction » des variations saisonnières. Ils démontrent essentiellement que la Tunisie a enregistré une croissance au taux de 1,0 % sur un an au cours du deuxième trimestre de l’année en cours. En mars dernier, le directeur du vénérable INS avait été pour rappel limogé peu de temps après avoir communiqué sur la croissance léthargique de 0,2% qui en faisait l’une des pires de la région.
Vendredi, l’INS a fait savoir qu’en rythme annuel, la croissance marque « une nette amélioration » comparativement à celle estimée dans le courant du premier trimestre 2024 (0,3 %). En glissement trimestriel, en d’autres termes par rapport au premier trimestre de l’année en cours, le PIB en volume aura ainsi progressé de 0,2 %, contre une augmentation au taux de 0,6% au trimestre précédent.
S’appuyant sur ce constat, l’Institut estime que l’économie tunisienne a en réalité enregistré une croissance de 0,6% au cours du premier semestre de l’année en cours. Cependant le PIB n’a toujours pas encore atteint son niveau enregistré fin 2019, celui d’avant la crise sanitaire.
Critiques des observateurs
Pour l’éditorialiste Amel Belhadj Ali, « nous sommes peut-être dans les vrais chiffres mais la réalité de la croissance économique de la Tunisie est autre car embellie à souhait pour rassurer, conforter ou réconforter ceux et celles qui pensent avoir fait les bons choix mais jusqu’à quand ? », ironise-t-elle.
Car si l’excédent budgétaire annoncé par ailleurs par l’INS est bien réel, il n’est guère le fait d’une jugulation des finances publiques et encore moins de recettes fiscales dépassant les prévisions ni de nouveaux investissements substantiels qui auraient renfloué les caisses de l’État. Il s’agit davantage d’un système comptable « accommodant », « qui consiste à ne constater les dépenses que lors du décaissement effectif, ce qui fausse tout le processus. Or à la moitié de l’année, l’État n’a pas couvert 50% de ses dépenses ce qui explique l’excédent budgétaire », note la même source.
Parallèlement à la timide croissance trimestrielle de 0,2% (négative fin 2023), la toile tunisienne se gausse également du recul annoncé du taux de chômage, ramené de 16,2% à 16%, mais cachant une réalité plus contrastée. Le nombre de chômeurs a en effet diminué au cours du deuxième trimestre de cette année pour atteindre 661 700 chômeurs, contre 669 300 chômeurs au cours du premier trimestre de la même année. En revanche le taux de chômage des jeunes âgés de 15 à 24 ans a quant à lui bien augmenté au cours du deuxième trimestre 2024 pour atteindre 41 %, contre 39,2 % au cours du premier trimestre de la même année…
A l’international, si un consensus des économistes reconnaît une certaine résilience de l’économie du pays étant donnée son instabilité gouvernementale chronique, tous s’accordent à prédire une nécessité d’inscrire cette embellie, bien que faible, sur la durée. Cela passe par un assainissement du climat des affaires, au moment où le leadership souverainiste du pays se focalise avant tout sur le remboursement de ses créances, tout en contractant discrètement de nouveaux crédits. Mi-juin, l’Union européenne prêtait ainsi 450 millions d’euros aux PME et infrastructures tunisiennes via la Banque européenne d’investissement (BEI).