Tunisie. Seuls trois candidats retenus en vue de la présidentielle
Sans sourciller, le président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), Farouk Bouasker, a annoncé lors d’un point presse le 10 août que sur un total de 17 candidatures à l’élection présidentielle du 6 octobre prochain, seuls trois ont finalement été retenues.
Ce sont celles de Kais Saïed, Zouheir Maghzaoui (souverainiste panarabiste politiquement proche du président Saïed) et Ayachi Zammel, indépendant, ancien député de centre-droit. « Un scandale » antidémocratique pour certains, mais aussi une indigence qui relève d’un légalisme procédurier à l’excès. « Une précampagne est censée faire la part belle aux débats autour des programmes et des idées… Au lieu de cela on se retrouve à débattre de si tel ou tel candidat arrivera à obtenir des documents que l’ISIE pourrait facilement requérir de l’Etat », fustige Houssem Hammi du collectif « Soumoud » à propos d’une diversion surréaliste.
« Ce sera donc d’emblée un second tour avant l’heure ! », s’indigne en chœur l’opposition dont simplement aucun candidat n’aura pu ne serait-ce que déposer sa candidature. Quatorze candidatures, déjà miraculées au vu de la complexité bureaucratique et du nombre des parrainages requis, ont en effet été rejetées pour insuffisance de parrainages, absence de caution financière requise, ou encore pour non-conformité aux conditions de nationalité.
Ces lacunes ont été constatées en dépit de la notification aux intéressés de « manquements » non résolus dans les délais impartis, a fait savoir samedi Farouk Bouasker. Un argument qui cache en réalité « une loi électorale sur-mesure » selon des candidats lésés, mais aussi la problématique plus profonde d’une désertification de la vie politique dans le pays.
Légalisme et autosatisfecit
Intervenant lors d’une conférence de presse tenue à Tunis pour annoncer les résultats préliminaires des candidatures retenues à l’élection présidentielle de 2024, Bouasker a expliqué que les décisions du Conseil de l’ISIE sont des « décisions aussi saines que valides » et que le rejet de ces dossiers « était basé sur des fondements juridiques solides », et ne repose pas en l’occurrence sur l’absence de l’extrait du casier judiciaire (bulletin n°3), allusion à une vaste polémique à ce sujet.
Pourtant, la plupart des candidats ont indiqué avoir essuyé une fin de non-recevoir des autorités lorsqu’elles ont sollicité ce droit, à l’image du candidat Imad Daïmi qui a annoncé son intention de porter plainte auprès du Tribunal administratif pour obstruction et refus de délivrance de cet extrait, « sans motif apparent ».
Bouasker a par ailleurs précisé que 150 fonctionnaires de l’instance ont vérifié plus de 300 mille parrainages populaires présentés par les 17 candidats qui jouissent encore du droit de recourir au pouvoir judiciaire afin de déposer des recours le cas échéant et contester les décisions de rejet.
S’agissant des 305 parrainages parlementaires présentés par les candidats acceptés Kais Saïed et Zouheir Maghzaoui, Farouk Bouasker a indiqué que l’ISIE publiera les listes de ces parrainages et mettra en place, à partir du lundi 12 août, « un service électronique permettant aux électeurs de vérifier leurs parrainages pour tous les candidats » dans un souci de transparence.
Disposant d’un mandat général relatif à l’organisation de cette élection en vertu de la Constitution de 2022, l’ISIE entamera à partir de 20 septembre l’actualisation des bureaux de vote pour les électeurs. Bottant en touche certaines questions des journalistes présents, Bouasker a nié que l’incapacité manifeste des candidats à recueillir le nombre requis de parrainages soit due au controversé découpage territorial adopté, au court délai accordé à cet effet, ou encore au nombre de parrainages exigé pour chaque circonscription électorale (500 parrainages).
L’ISIE annoncera pour rappel la liste finale des candidats à la présidence de 2024 au plus tard le 4 septembre, de sorte que la campagne électorale à l’intérieur et à l’extérieur de la Tunisie soit officiellement lancée le 14 septembre 2024. Quant au jour du scrutin, il est fixé au dimanche 6 octobre 2024 en Tunisie, et les 4, 5 et 6 octobre dans les circonscriptions de l’étranger. Les résultats préliminaires de l’élection présidentielle 2024 devraient enfin être annoncés le 9 octobre.
Mais au moment où de nombreux leaders de partis politiques croupissent en prison, les explications essentiellement bureaucratiques de l’Instance n’ont pas convaincu de nombreux Tunisiens. Ils sont incrédules pour certains, indifférents pour d’autres qui malgré l’absence totale d’enjeu (Kais Saïed revendique déjà un quart de million de parrainages contre un peu plus que les 10 mille réglementaires pour l’un de ses adversaires ornementaux), comptent bien renouveler leur confiance au chef de l’Etat.