Décharge Oum Azza : Heureux dénouement

 Décharge Oum Azza : Heureux dénouement

Roger Sahyoun, président fondateur de Somagec (DR)

Si l’enjeu est d’exploiter et de valoriser les déchets urbains, dans des conditions acceptables d’un point de vue économique, environnemental et social, les résidents de la région de Rabat-Salé et les autorités de la zone sont bien servis. En effet, ils ont de quoi être satisfaits avec l’arrivée d’un nouveau délégataire du Centre d’enfouissement et de valorisation (CEV) d’Oum Azza, à travers un groupement constitué des trois entreprises Somagec, Suez International et Jet Contractor qui ont décroché l’appel d’offres.

 

Clap de fin pour le feuilleton de l’histoire de la décharge de Oum Azza qui n’a pas toujours été en odeur de sainteté auprès des riverains avec l’entrée en jeu du consortium constitué de (Somagec – Suez – Jet Contractor ) déclaré adjudicataire de  l’appel d’offres pour un contrat d’exploitation signé pour une durée de 16 ans.  Dans le consortium, Somagec fait office de locomotive puisque le groupe est majoritaire en étant mandataire avec un taux de 67%, alors que le français Suez est dans le tour de table en tant qu’opérateur technique avec un taux de 26% et Jet Contractor est partenaire du projet avec un taux de 7%.

Pour ceux qui ne le savent pas encore, Veolia faisait partie des soumissionnaires qui ont été éconduits sur cet appel d’offres alors que Suez et Veolia se sont déjà séparés depuis l’OPA faite par Veolia sur son concurrent en 2022.

Pourquoi avoir choisi Suez ? Pour une raison très simple, le nouveau groupe Suez, né il y a juste un an sur la base des activités épargnées par la fameuse OPA de Veolia reste sans conteste le spécialiste mondial le plus pointu en matière de gestion du secteur des Déchets.  C’est ce qui apparaît d’ailleurs dans son plan 2023-27 (le volet «  Déchets » qui représente la majorité de ses activités) puisque la multinationale vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 25% d’ici 2030 (hors incinération) : production de biogaz dans les centres de stockage, couverture des sites d’enfouissement, véhicules plus durables etc… Jouant la transparence totale et absolue, Suez compte faire auditer annuellement ses progrès par le cabinet EcoVadis. Le groupe promet en plus de faire passer la part des énergies renouvelables dans sa consommation d’ici 2030 à 100% en Europe et 70% au niveau mondial (contre 25% aujourd’hui), grâce à ses capacités de production (liées en particulier au traitement des déchets), et à des contrats d’approvisionnement en énergies solaire et éolienne.

Ce consortium reprend ainsi les rênes du projet après l’échec du français Pizzorno à mener à terme une exploitation pérenne de la décharge. Pour rappel, en 2005, la société française, spécialisée dans les services de l’environnement, avait raflé la mise devant  l’espagnol Tec Med, opérant au niveau de la collecte d’ordures à Rabat, et l’américain Edgebero qui s’occupait de la gestion des déchets solides à Fès en remportant l’appel d’offres portant sur un total de 1,3 milliard DH.  A l’époque, il s’agissait de la mise en place d’un nouveau centre à Oum Azza censé remplacer les deux décharges destinées à recevoir les déchets solides de la région, à Oulja et Akreuch.

Sedegema, la filiale de Pizzorno s’était engagée à mettre en place une nouvelle infrastructure de gestion du premier centre de gestion des déchets ultimes centralisant l’ensemble des déchets solides de l’agglomération, en facilitant notamment le traitement in situ des lixiviat et des biogaz, prévenant ainsi tout risque pour l’environnement. Il semble que la question n’a pas été réglée abouti puisqu’en 2021, le ministre de l’environnement de l’époque avait dû faire face à des critiques acerbes des parlementaires de la gauche. Pour sa défense, Aziz Rebah avait été catégorique en présentant aux députés les conclusions des enquêtes de son département concernant la pollution du Bou Regreg par le lixiviat de la fameuse décharge . Quant aux déboires de l’opérateur français avec les autorités marocaines, ils sont connus depuis que Pizzorno a déposé plainte devant le Centre international pour le règlement de différends relatifs aux investissements (Cirdi), contre les ministères marocains de l’intérieur, de la justice et de l’économie et des finances du royaume avant d’être déclaré perdant faec au Maroc à fin 2022 .

Aujourd’hui, les résidents de la région de Rabat-Salé et les autorités ont  de quoi être satisfaits même s’il faut reconnaître que l’exploitation d’une décharge est bien plus complexe en termes de technologies, car si les déchets peuvent avoir de la valeur , ils sont beaucoup plus porteurs de substances polluantes (métaux lourds, fluides frigorigènes, etc.) qui induisent des coûts de dépollution et de traitement lourds avant tout effort de récupération des matières et des composants surtout pour des entreprises citoyennes connues pour leur intégrité et qui ne veulent pas s’affranchir des normes environnementales pour maximiser leur gain. A cela, il faut ajouter la complexification des produits, notamment les déchets de composants électroniques, qui rend leur recyclage extrêmement difficile et bien couteux.

Cerise sur le gâteau, le royaume veut absolument se doter de champions nationaux opérant dans ce secteur qui a désormais le vent en poupe. C’est ce qui explique le choix porté sur un mastodonte du BTP comme Somagec « La volonté et la vision du ministère de l’intérieur est d’avoir une entreprise marocaine spécialisée dans le domaine du traitement des décharges et comme somagec a déjà démarré cette activité il y a déjà plus de 5 années avec le traitement de la décharge de Khenifra qui est devenu un modèle de qualité et de respect de l’environnement pour toutes les autres décharges .Somagec a décidé de prendre Suez comme opérateur technique qui a accepté ( tout en restant minoritaire) pour faire un transfert technique de savoir-faire et pouvoir répondre aux aspirations et à la vision future du département de l’intérieur qui souhaite ainsi faire émerger un champion Marocain du traitement de déchets » explique Roger Sahyoun le PDG fondateur de Somagec.