Tunisie. Dispositions législatives inédites pour les détenteurs de chèques sans provision
C’est un véritable fléau qui impacte depuis des décennies le système carcéral surchargé en Tunisie, en partie du fait d’un arsenal judiciaire et pénal estimé archaïque et auquel les législateurs tunisiens ont enfin décidé de répondre.
Hassan Ben Ali, député à l’Assemblée des représentants du peuple et membre de la Commission de la législation générale au Parlement, a annoncé aujourd’hui mardi 30 juillet 2024 que « la commission introduira de nouvelles modifications visant à annuler les amendes et à permettre aux détenus pour chèques sans provision de quitter les prisons ».
Régler plus du tiers de la dette
Ainsi, Hassan Ben Ali a confirmé dans une déclaration que l’engagement du détenu ou de la personne recherchée dans des affaires liées aux chèques, dans les cas où il ne dispose pas de la totalité du montant réclamé, à rembourser seulement 35 % du principal de la dette en un an en vertu du nouveau projet de loi, ce qui permettrait aux personnes concernées de sortir de prison, « mais à condition de s’engager à rembourser le reste sur trois ans ». La même source précise que « les amendes et les intérêts sont annulés pour la personne concernée », un soulagement pour les personnes poursuivies.
Ben Ali explique par ailleurs que « l’engagement du détenu ou de la personne recherchée à rembourser la dette dans une période déterminée ne nécessite pas forcément l’accord du créancier », tout en ajoutant qu’« il y a trois hypothèses de règlement » :
La première consisterait d’abord à conclure un accord avec le bénéficiaire différé de manière équitable, ce qui implique l’engagement de payer le montant total du chèque en question ou ce qu’il en reste dans un délai de neuf mois.
La deuxième possibilité consisterait à signer un engagement unilatéral de rembourser 35 % en un an et le reste sur trois ans. Enfin, la troisième hypothèse permettrait de garantir 20 % du montant au trésor public, assorti d’un engagement sur l’honneur à rembourser le reste du montant sur trois ans, annulant ainsi la peine privative de liberté.
Pour les centaines de milliers de Tunisiens qui utilisent les chèques comme un moyen typique de paiement différé ou de garantie, le piège peut se refermer de manière brutale, expliquent les parlementaires. Entre 2019 et 2021, selon l’Institut national de la statistique (INS), 75 000 entreprises ont mis la clé sous la porte, soit près de 10 % des sociétés enregistrées.
Pour Abderrazak Houas, porte-parole de l’Association nationale des petites et moyennes entreprises (ANPME), ce chiffre bien que conséquent, ne reflète pas la réalité « catastrophique » de la situation économique des PME tunisiennes. Le porte-parole de l’ANPME estime en effet que 125 000 entreprises supplémentaires ont cessé leurs activités depuis la crise du Covid-19, pour beaucoup d’entre elles en raison de chèques de garantie restés impayés.
Plus radicale, une autre mesure exposée en séance plénière pourrait voir naître un nouveau format de chèque plafonné à 1000 dinars tunisiens, avec la possibilité de vérifier via un QR code la disponibilité des fonds de manière immédiate. Une idée similaire à celle du chèque certifié, mais loin de recueillir l’adhésion du secteur bancaire notamment étant donnée la logistique coûteuse et complexe nécessaire à sa mise en place.