Tractations à Matignon – Le bon, la brute et le méchant
Pour l’instant, ce sont les trois vedettes d’un film électoral digne d’une superproduction hollywoodienne : Emmanuel Macron, dans le rôle de la brute, Jean-Luc Mélenchon, le défenseur des faibles et des opprimés et enfin Jordan Bardella, qui semble assumer pleinement son rôle dans la peau du méchant.
Épousant son rôle à merveille, Emmanuel Macron continue de narguer tout le monde, au lieu d’émettre le moindre regret quant à sa catastrophique dissolution de l’Assemblée, il a, bien au contraire, chargé l’Élysée de communiquer que « la dissolution répondait à un besoin d’expression démocratique », et ce, même si le camp macroniste a perdu plus de 80 députés (168 sièges, contre 250 lors de la précédente législature).
En maintenant Gabriel Attal à Matignon, Emmanuel Macron montre encore une fois qu’en refusant la démission d’un Premier ministre qui devrait quitter immédiatement le gouvernement, qu’il n’a rien compris aux jeux de pouvoir. Dans l’entourage de l’Élysée, on parle d’un Gérald Darmanin à Matignon, lui qui a été chargé de rappeler que « personne n’avait gagné » les élections et qu’il était « hors de question » de gouverner avec LFI.
Réponse du camp ennemi, Marine Tondelier de LFI sur France 2, rappelle qu’on est vraiment face à un « déni » du camp présidentiel qui refuse d’admettre sa défaite : « On ne peut pas en même temps perdre et dire qu’on a gagné. La logique institutionnelle lui eut dicté de décrocher son téléphone et d’appeler les chefs de partis du NFP pour leur demander le nom d’un Premier ministre… »
Il y a le feu, et le personnage numéro 1 du pays parle d’imposer son tempo en criant à qui veut bien l’entendre : « tout va très bien Mme La Marquise ». Une coalition qui implose, une majorité perdue, une popularité qui chute vertigineusement, le chef de l’État vit, semble-t-il, la fameuse malédiction du second mandat vécue par d’autres présidents avant lui. Emmanuel Macron n’est ni vieux comme De Gaulle ni malade comme Mitterrand, mais il laissera des traces indélébiles sur tout ce qu’un président de la République ne doit pas dire et ne doit pas faire.
Celui qui tout fait pour chasser sur les plates-bandes de l’extrême droite avec notamment son fameux plan anti-immigration, est aujourd’hui prêt à s’allier avec le diable, du moment que ça lui évite d’avoir une gauche qui va jeter toutes ses mesures aux orties.
Pour ce qui est de l’extrême droite que Macron a adoubé secrètement tout en criant au loup publiquement, elle a bu la cigüe jusqu’au bout. Malgré sa tête de jeune premier, Jordan Bardella a été contraint de monter au front par les cadors du Rassemblement national (RN) pour assumer tout seul l’échec. Du haut de ses 28 ans, celui qui se rêvait déjà Premier ministre a été contraint de se déclarer premier responsable de la bérézina du second tour des élections législatives le 7 juillet.
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« On commet toujours des erreurs, j’en ai commises. J’assume ma part de responsabilité tant dans la victoire aux élections européennes que dans la défaite d’hier », a marmonné un Jordan Bardella, visiblement terrassé devant les caméras de télévision.
Prenant le relais, Louis Aliot, vice-président du parti a annoncé le lendemain sur RTL : « On ne fera pas l’économie d’un examen de conscience. »
Pour ce qui est de la gauche, le moins qu’on puisse dire, c’est que la victoire inattendue a eu un effet bizarre sur une coalition éclectique qui s’exprime comme si elle avait décroché le graal et pire encore, distribue les rôles dans le futur gouvernement au moment où rien n’est encore fixé.
Cédant à une démagogie inexplicable en se donnant notamment le mot pour des propositions qui semblent tourner le dos à la réalité. A commencer par l’abrogation de la réforme des retraites dont le coût, 56 milliards d’euros par an, est supérieur à la totalité des taxes foncières collectées en France, ce qui risque de faire exploser la dette et les déficits en passant par la hausse des impôts dans le cadre de l’ISF, qui vont certainement entraîner le ras-le-bol des grosses fortunes, lesquelles vont s’empresser de freiner les investissements, avec faillites et chômage à la clé.
Il faut ajouter à ces propositions irréalisables au vu de la conjoncture économique, celles qui promettent d’alourdir les droits de succession, d’augmenter le smic… bref un programme du Nouveau Front populaire dont la facture s’élèverait à plus de 200 milliards pour la France !
Et ce, au moment où les experts multiplient les signaux d’alarme, à l’heure où Moody’s et S&P menacent déjà de dégrader la note de la France, le monde des affaires retient son souffle en espérant qu’Emmanuel Macron s’abstienne de nommer premier ministre le candidat proposé par le Front Populaire.
Pourtant c’est bien le Nouveau Front populaire (NFP) qui a raflé le plus grand nombre de sièges (182), même si l’alliance de gauche ne peut gouverner seule, une cohabitation s’impose, celle avec l’extrême droite, un temps envisagée par le camp présidentiel, est caduque mais Emmanuel Macron n’a rien retenu de l’histoire des présidents de France, ceux qui ont réussi une cohabitation qui avait permis au président de la République en place de prendre de la hauteur avec l’espoir de retrouver la faveur de l’opinion.
Pour l’instant, les trois acteurs se regardent désormais en chien de faïence tandis que le peuple encaisse, piaffant d’impatience et que les problèmes s’accumulent sur la table.