Une proposition de loi polémique pour le travail des migrants en Tunisie rejetée

 Une proposition de loi polémique pour le travail des migrants en Tunisie rejetée

Une correspondance fuitée adressée au président du Parlement par deux députées propose une solution controversée pour mettre un terme « à l’afflux en grand nombre de migrants africains » présents sur le sol tunisien.

 

 

Au moment où le président de la République appelle à mettre fin au régime « inhumain » dit de la sous-traitance dans les municipalités, le considérant comme une forme d’emploi indigne pour les ouvriers Tunisiens, deux députées proposent le plus sérieusement du monde de l’appliquer aux migrants subsahariens.

Les députées Rim Seghaier et Asma Derouiche proposent en effet dans un document leaké daté du 16 mai 2024 de créer des « entreprises de services africaines » gérées notamment par des entreprises de la ville de Sfax, avec pour objectif d’embaucher les migrants subsahariens comme agents municipaux et de les « inclure dans la dynamique économique du pays de sorte servir les projets de la Tunisie à l’horizon 2030 – 2050) ». le texte va même plus loin en proposant d’embaucher ces migrants via des contrats de sous-traitance, d’une durée de 20 ans.

Tentant visiblement d’anticiper tout procès d’intention en « colonisation », les auteures de la proposition de loi l’accompagne d’une remarque plutôt insolite dans laquelle elles se défendent d’une quelconque volonté d’« installation définitive » de ces migrants, expliquant qu’il s’agit de CDDs à l’issue desquels les travailleurs subsahariens seront expulsés. Tout un programme !

Sur la toile, le document suscite un tollé, certains faisant le parallèle avec un« esclavage moderne », non sans rappeler le racisme des champs de coton dans l’Amérique profonde.

 

Rejet unanime et deux visions droitières qui s’opposent

Le député membre du bureau de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Badreddine Gammoudi, a fait savoir en début de semaine que la proposition faite par deux députées a été catégoriquement rejetée : « le problème des migrants irréguliers a été débattu au Parlement et il existe une quasi-unanimité quant au fait que la Tunisie ne sera ni une terre de transit, ni une terre d’accueil de ces migrants », a-t-il martelé.

Gammoudi a précisé que la proposition présentée par les deux députées Rima Sghaïer et Asma Derouiche qui consiste à créer « des entreprises africaines de services » pour embaucher les migrants subsahariens est « contraire à la position officielle tunisienne qui rejette l’intégration de tout migrant entré illégalement sur le sol tunisien ». Il a par ailleurs indiqué qu’il a proposé la fermeture des frontières avec l’Algérie et la Libye et le recours à l’armée nationale pour faire face à l’afflux des migrants irréguliers.

Le 6 mai 2024, un autre projet de loi stipule dans un amendement d’une ancienne loi de 1968 sur la situation des étrangers en Tunisie que quiconque fournit intentionnellement une aide directe ou indirecte à un étranger pour entrer sur le sol tunisien, en sortir, y transiter ou y séjourner de manière illégale « sera puni d’une peine d’emprisonnement allant de 1 à 3 ans et d’une amende allant de 1000 à 5000 dinars ».

Hier mercredi 29 mai, la branche tunisienne de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a annoncé l’achèvement des opérations d’évacuation de 173 migrants en situation irrégulière de nationalité béninoise le mardi 28 mai 2024, à destination de Cotonou, la capitale du Bénin. Parmi ces migrants se trouvaient 14 familles. L’OIM a précisé que cette évacuation s’inscrivait dans le cadre du programme de facilitation du retour volontaire en vigueur depuis 2023.

 

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