Tunisie. Vers une amélioration du coût de la masse salariale rapporté au PIB ?
Ebruitée début avril 2024, l’information de la réduction de la masse salariale par rapport au produit intérieur brut du pays a fait conclure certains analystes, plutôt optimistes, que l’on se rapprochait des recommandations du FMI. Mais entre spéculation et info avérée, on peut souvent faire dire ce qu’on veut aux chiffres.
C’est le conseiller fiscal et membre du Conseil national de la fiscalité, Mohamed Salah Ayari, qui le premier a déclaré que la Tunisie se rapprochait désormais du seuil fixé par le Fonds Monétaire International dans ses prescriptions relatives à la masse salariale. Il a ainsi rappelé que le document directeur remontant aux dernières négociations en date avec le FMI évoquait « la nécessité de poursuivre le contrôle de la masse salariale », qui s’élevait alors à 22,7 milliards de dinars en 2023 et devrait officiellement atteindre environ 23,7 milliards de dinars en 2024.
Une donnée aussi paradoxale qu’approximative
Contre-intuitif, cet accroissement du montant de la masse salariale dans la fonction publique est cependant à mettre en rapport avec le PIB. La même source indique en effet que cette masse représente désormais 13,5% du produit intérieur brut tunisien, tandis que le FMI recommandait de ne pas dépasser 12%. Cela témoigne certes d’un léger mieux dans la maîtrise de la masse salariale par rapport au passé où l’on avait connu des taux allant jusqu’à 16% du PIB.
Mais plusieurs réserves sont à apporter à ce raisonnement si l’on veut nuancer ces nouveaux chiffres de 2024 qui demeurent des prédictions. Car si en 2023, le PIB (en croissance de 0,4%) avait atteint les 159 milliards de dinars (soit environ 51 milliards de dollars) avec par conséquent une masse salariale représentant 14,2% de ce PIB, les proportions du salariat en 2024 (13,5%) sont néanmoins rapportées à de généreuses prédictions de croissance comprises dans la loi de finances estimant que le PIB atteindra les 175 milliards de dinars en 2024, soit 56,3 milliards de dollars, de surcroît sans inclure d’éventuelles augmentations salariales.
Une masse salariale encore largement perfectible
Intervenant aujourd’hui pour commenter ses propres propos, Ayari a toutefois tempéré son enthousiasme en considérant que « la Tunisie dispose malgré tout probablement davantage d’employés administratifs dans le secteur public qu’elle n’en a réellement besoin ». L’expert a notamment comparé cette masse salariale avec celle du Maroc voisin qui, avec le triple de la population de la Tunisie, compte moins de fonctionnaires.
Les fonctionnaires civils de l’administration (estimés à 565 mille en 2023 contre 680 mille en Tunisie la même année) coûtent à l’Etat l’équivalent de 11% du PIB marocain, et ce même si la masse salariale a augmenté de 40% en 10 ans dans le royaume et que le salaire net moyen s’y est accru de 18% pour s’établir à 8.561 DH en 2023.
En Europe, il apparaît que, rapportée au PIB, la masse salariale des APU (administrations publiques), cotisations sociales des employeurs incluses, est plus élevée en France (12,4 % du PIB) que dans les autres pays de l’Union européenne (10,1 % en moyenne), à l’exception du Danemark (13,7 %) où les prestations sociales sont également élevées.