Tunisie. L’UGTT teste sa capacité à mobiliser le 2 mars prochain

 Tunisie. L’UGTT teste sa capacité à mobiliser le 2 mars prochain

En froid depuis de longs mois avec le pouvoir incarné par le seul président Kais Saïed à partir de 2021, et avec lequel tous les canaux de négociation sociale sont coupés, c’est aussi sa propre survie que joue dans une semaine la centrale syndicale tunisienne UGTT. L’institution séculaire compte en effet rappeler à qui veut bien l’entendre qu’elle pèse encore dans les rapports de force socio-politiques en Tunisie.  

Si la rupture est consommée entre l’actuel dirigeant de l’Union générale tunisienne du travail, Noureddine Taboubi, et le chef de l’Etat, c’est que le pouvoir saïdiste aura su au fil du temps semer la zizanie au sein même du syndicat historique, en aliénant divers clans internes anti Taboubi contre leur propre secrétaire général dont ils contestent la légitimité. Cette dynamique aura sans doute connu un paroxysme lorsque le 1er mai 2023, lors du traditionnel rassemblement ouvrier de la Fête du travail, le numéro 1 de l’UGTT a dans son allocution tenu à saluer les prisonniers politiques du régime.

Bien qu’en apparence naturelle et anodine pour le chef d’un mouvement syndical, la déclaration est celle de trop pour les dissidents UGTTistes, pour qui il est inacceptable que la gauche des travailleurs soutienne certains détenus politiques assimilés à l’islam politique, leur ennemi juré. Car dans la hiérarchie des adversaires directs du syndicalisme tunisien, le président Kais Saïed se trouve dans l’inconscient collectif ouvrier loin derrière les islamistes, quand il n’est pas tacitement perçu comme un allié, ayant éradiqué la mouvance islamiste du paysage politique. Ce qui explique en partie la léthargie syndicale que vit le pays depuis 2022, « une forme de collaboration » déplorent les détracteurs de l’UGTT chez l’opposition.

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Un test grandeur nature

« Le mouvement syndical, prévu le samedi 2 mars prochain à la place de la Kasbah, vise à revendiquer l’ouverture d’un dialogue social et le respect du droit syndical qui est une ligne rouge à ne pas franchir », a fait savoir aujourd’hui jeudi, Noureddine Taboubi, secrétaire général l’UGTT, expliquant le choix de la date par une volonté de ne pas donner du grain à moudre à ceux qui accusent le syndicat de paralyser le pays en prenant en otage la liberté de circuler.

« Nous savons que le pays est en crise économique et on accuse toujours l’UGTT de suspendre la production avec les grèves… C’est pour cette raison que nous avons choisi de protester un jour de congé (samedi) pour revendiquer l’ouverture d’un dialogue social qui est un acquis incontestable et le baromètre du progrès d’une société », a-t-il soutenu en marge des travaux du congrès des comités de la femme et des jeunes travailleurs de la Fédération arabe des travailleurs du pétrole, des mines et de la chimie, qui se tient à Hammamet.

Taboubi a par ailleurs insisté sur le besoin d’assainir et de booster l’investissement par la création d’un climat plus favorable à l’entrepreneuriat : « Nous parlons de démocratie alors que le Tunisien souffre de la détérioration de son pouvoir d’achat et de la raréfaction des produits de base. Le faible taux de participation aux récents scrutins est un indicateur important que le pouvoir politique n’a toujours pas saisi », a-t-il fustigé.

Reste que le choix du lieu de la manifestation, la Kasbah, est déjà sous le feu des critiques jusque dans les rangs syndicaux qui savent pertinemment que le Palais du gouvernement n’a pratiquement plus aucun pouvoir depuis la recentralisation décisionnelle à Carthage. Outre le décret 54 de la censure des réseaux sociaux, l’UGTT protestera également contre le « harcèlement judiciaire » dont font depuis peu l’objet ses dirigeants régionaux, en sus du gel des négociation sociales par un pouvoir qui a démontré son mépris pour l’ensemble des corps intermédiaires, y compris syndicaux.