Que sait-on des racines tunisiennes de Gabriel Attal ?
A 34 ans, l’ascension fulgurante du plus jeune Premier ministre de la Ve République, Gabriel Attal, nommé à Matignon ce mardi matin 9 janvier, suscite l’intérêt et la curiosité des biographes jusqu’en Tunisie où ses origines juives tunisiennes refont parler.
Gabriel Attal est né le 16 mars 1989 à Clamart en Hauts-de-Seine. Il grandit dans les beaux quartiers de Paris. Militant au Parti socialiste de 2006 à 2016, il est membre du cabinet de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, de 2012 à 2017, ainsi que conseiller municipal de Vanves depuis 2014. En 2016, il rejoint le parti fondé alors par Emmanuel Macron, En marche, devenu La République en marche puis Renaissance, et dont il devient rapidement le porte-parole en 2018, et membre du bureau exécutif à partir de 2021.
Il signe une entrée tout aussi précoce au Parlement où il est élu député lors des élections législatives de 2017 dans la dixième circonscription des Hauts-de-Seine. À l’Assemblée nationale, il est membre de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation. Il est également rapporteur du projet de loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants.
Dès 2018, il affine sa connaissance des dossiers de l’Education lorsqu’il est nommé secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse dans le second gouvernement Édouard Philippe, devenant à 29 ans déjà le plus jeune membre d’un gouvernement sous la Ve République. Il est notamment chargé de mettre en place le service national universel (SNU). Il est ensuite porte-parole du gouvernement Jean Castex, entre 2020 et 2022.
Au sein du gouvernement Élisabeth Borne formé en 2022 sous la seconde présidence d’Emmanuel Macron, il est d’abord ministre délégué chargé des Comptes publics. Réélu député dans la foulée lors des élections législatives de 2022, il n’occupe pas cette fonction afin de rester au gouvernement. En juillet 2023, il est nommé ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse.
Origines tunisiennes paternelles
Gabriel Attal est issu d’une famille aisée d’une bourgeoisie liée au milieu artistique. Son père, Yves Attal, qui est en effet avocat puis producteur de cinéma, est d’origine juive tunisienne. Ces racines tunisiennes dans ce plus jeune chef du gouvernement français sont confirmées par Jean-Louis Beaucarnot, dans son livre « Le Tout-Politique » paru en 2022.
Gabriel Nissim Attal, son grand-père, né à la médina de Tunis, était d’une famille établie dans la ville de la banlieue nord de la capitale, La Marsa, où l’arrière-grand-père, Élie, avait épousé une Modigliani, issue d’une riche famille juive séfarade de Libourne, qui avait donné des banquiers du pape et le célèbre peintre éponyme, dont elle est une proche cousine, descendant quant à elle des Modigliani devenus chocolatiers à Tunis.
Le trisaïeul, Haïm Attal, né vers 1820 et au-delà duquel on ne peut remonter plus loin la généalogie, avait quant à lui épousé Dehia Chaltiel, d’une famille au parcours assez atypique, arrivée à Tunis avec un grand-père ancien rabbin de Corfou, en Grèce, dont le propre grand-père, ancien agent de police à Alger, s’était marié à Gibraltar, en tant que fils d’un Anglais de Londres.
La mère de Gabriel Attal, Marie de Couriss, cadre d’une société de production, de confession chrétienne orthodoxe quant à elle, descend d’une famille de Russes d’Odessa d’origine grecque. Il ajoute, à titre d’usage, le nom de sa mère à son patronyme et se fait appeler Gabriel Attal de Couriss.
Attal étudie à l’École alsacienne, où il côtoie la chanteuse Joyce Jonathan. Il développe une animosité avec un autre camarade de classe, le très médiatisé avocat Juan Branco, dont ce dernier narrera abondamment certains éléments dans son ouvrage Crépuscule, paru en 2019.
Attal dira avoir été victime de harcèlement scolaire, « plusieurs mois de déferlement d’insultes et d’injures » de la part du même Juan Branco, des allégations que celui-ci minimise récemment dans un long tweet publié aujourd’hui qui revient sur les ambitions du jeune Attal.
Crépuscule
Il y a cinq ans, dans le cadre d’une longue enquête, je dessinais le portrait d’un politicien aux dents de lait auquel personne encore ne s’intéressait.
Un certain Gabriel Attal.
Nous étions en 2018, et ce livre, intitulé Crépuscule, démontrait comment l’ascension…
— Juan Branco ✊ (@anatolium) January 9, 2024
Virtuellement aligné face à Jordan Bardella dans la course à l’Elysée ?
Lié par un pacte civil de solidarité (Pacs) au député européen Stéphane Séjourné depuis 2017, il révèle son homosexualité en décembre 2018 dans un portrait publié par L’Obs, après que des allusions à sa vie privée et à son couple ont circulé dans les arcanes de l’Assemblée nationale, peu de temps après les rumeurs sur l’homosexualité d’Emmanuel Macron. Le jour de sa nomination à Matignon, Le Point évoque la séparation du couple, au moment où la presse US et anglo-saxonne retient le statut de « youngest openly gay prime minister » comme info du jour.
Aligné par sa famille politique macroniste dès à présent face à l’espoir montant de l’extrême droite « normalisée », Jordan Bardella (28 ans), encore plus jeune que lui, les deux ambitieux leaders dits « next gen », incarnent deux opposés d’une même génération : l’un est un homosexuel d’origine maghrébine, l’autre est issu d’une famille d’immigrés italiens, en couple avec Nolwenn Olivier, fille de Marie-Caroline Le Pen, sœur aînée de Marine Le Pen, et qui entend promouvoir les valeurs conservatrices de la famille.
Une opposition de style et d’idées en perspective potentiellement en 2027, avec le dossier de l’immigration comme thème central, si toutefois le capital sympathie (premier en termes de popularité selon le dernier sondage Ipsos avec 40% d’opinion favorable) ne s’érode pas d’ici là à l’exercice impitoyable du pouvoir, dans un contexte où gouverner lui sera difficile à l’aune d’une situation parlementaire fort complexe. À 39 ans, Emmanuel Macron était devenu le plus jeune président français et le plus jeune dirigeant du G20 du moment, mais n’avait jamais occupé la case Matignon généralement fatale pour l’Elysée à l’exception du cas Georges Pompidou.
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