Plus de 9 millions de touristes en Tunisie en 2024, objectif réalisable ?

 Plus de 9 millions de touristes en Tunisie en 2024, objectif réalisable ?

Avec 8,8 millions de visiteurs cette année, soit une hausse annuelle de 49,3% dont se prévaut le ministère de tutelle, le tourisme a enregistré un net rebond en Tunisie en 2023, bien parti pour dépasser le record atteint en 2019, année de référence d’avant la pandémie de Covid. L’infrastructure hôtelière du pays sera-t-elle en mesure d’absorber un tel afflux de touristes ?  

Pour Aymen Rahmani, directeur des études et de la coopération à l’Office national du tourisme tunisien (ONTT), « l’objectif était de récupérer 80% des flux touristiques enregistrés en 2019 », année record qui sert de repère sur l’ensemble de la dernière décennie. Dernière statistique en date du 10 décembre 2023, « la Tunisie a dépassé cet objectif », note la même source officielle, avec 8,8 millions de visiteurs contre 8,7 millions sur la même période de 2019.

Or, « Si nous gardons la même tendance d’ici la fin de 2023, nous atteindrons les 9,6 millions de visiteurs », a souligné Rahmani, optimiste. A la même date du 10 décembre, les recettes se sont par ailleurs établies à 6,7 milliards de dinars (soit environ 2 milliards d’euros). « C’est un chiffre exceptionnel », constate Aymen Rahmani, jugeant faisables des revenus de 6,9 milliards de dinars fin 2023, ce qui indique que les touristes dépensent également davantage désormais, contrairement aux idées reçues de la dégradation du budget moyen du visiteur type du pays, au moment où les tour opérateurs cassent les prix à moins de 200 euros pour un séjour en Tunisie.

A titre de comparaison, le voisin marocain table sur 14 millions de visiteurs cette année.

>> Lire aussi : Tourisme : Le Maroc, une destination prisée en forte hausse

 

Un secteur bouée de sauvetage d’une économie en crise

Toutefois, à y regarder de plus près, le secteur peine à se diversifier puisqu’on retrouve une fois de plus en tête des visiteurs les touristes Algériens (2,7 millions), suivis des Libyens (2,1 millions) puis des Français (certes +14,6% avec 974.000 touristes), selon Rahmani.

Le secteur était déjà dans une dynamique de reprise en 2022, quand la Tunisie avait récupéré 68% du flux touristique de 2019. Selon la Banque mondiale, ce rebond a permis à la Tunisie, endettée à 80% de son PIB, de rééquilibrer partiellement son déficit des comptes courants, grâce à l’entrée accrue de devises étrangères, dans un contexte de croissance très faible (+1,2% prévus par la BM pour 2023, soit 0,4% de moins que les prévisions du FMI).

Principale cause avancée pour le ralentissement économique, la sécheresse qui touche la Tunisie depuis le début de l’année, a réduit la production de l’important secteur agricole tunisien et la guerre en Ukraine a renchéri ses importations de céréales (alimentation et fourrage) et d’énergie, dont elle est fortement dépendante. Sur la dernière décennie, le tourisme, qui pèse pour 9% du PIB contre 7% précédemment, a subi le contrecoup d’une décennie d’instabilité politique post révolution, mais aussi d’attentats jihadistes ayant tué près de 60 touristes en 2015 au musée du Bardo à Tunis et dans la station balnéaire de Sousse.

En 2019, sur les 242.000 lits que compte l’hôtellerie tunisienne, 184.000 avaient été mis en exploitation, soit 76%, en somme les trois quarts de la capacité totale. Professionnel du tourisme, Akrem Cherif relativise les chiffres de l’ONTT pour 2023 : « Le résultat brut d’exploitation (RBE) des hôtels se situait néanmoins autour de 55% dans les années 2000. En 2018, il est passé à 40%, aujourd’hui il est autour de 25 et 30%. Si on retranche les crédits bancaires et les frais y afférents, le résultat brut serait de l’ordre de 5%. Et comme si cela ne suffisait pas, l’Etat vient d’ajouter une taxe de 3% sur le chiffre d’affaires des hôtels, ce qui est une aberration », rapporte Cherif qui décrit une réalité moins reluisante pour le patronat du secteur.