Pour Carthage, l’évasion des terroristes est un complot ourdi de l’extérieur

 Pour Carthage, l’évasion des terroristes est un complot ourdi de l’extérieur

Le président de la République Kais Saïed est sorti de son silence mercredi soir à propos de l’embarrassante évasion rocambolesque du top 5 des terroristes les plus dangereux du pays. Pour le chef de l’Etat, cette opération correspond à « un plan soigneusement préparé ».

 

En recevant hier soir au Palais de Carthage son ministre de l’Intérieur, Kamel Feki, le président Saïed n’aura donc pas attendu la fin de l’enquête administrative, ni celle de l’enquête pénale en cours, pour trancher, péremptoire. Ainsi pour lui les choses ne souffrent d’aucune équivoque : catégorique, il déclare et décrète que l’évasion des cinq éléments djihadistes de la prison de la Mornaguia, mardi à l’aube, est une machination organisée depuis l’extérieur.

« Á celui qui pense qu’il peut déstabiliser l’État en collaborant avec les mouvements sionistes et des parties de l’intérieur du pays, sachez que l’État ne saurait être atteint et que le peuple tunisien ne peut douter. Nous restons inébranlables et nous protégerons l’État tunisien », a fulminé Saïed.

 

Des explications bancales

Ce sionisme à toutes les sauces, sans que l’on comprenne le lien exact entre l’évasion et « le sionisme », ne convainc pas de nombreux Tunisiens incrédules qui resteront sur leur faim. C’est en tout cas l’avis de l’opposant Nabil Hajji, pour qui tout responsable politique se doit en pareilles circonstances d’opter pour des explications rationnelles sans se ruer vers les alibis et les allusions à l’emporte-pièce.

Comme à son habitude, président de la République se lance ensuite dans l’un de ses exercices favoris : les rappels à caractère historique. Il cite pêle-mêle l’évasion de prison en 1973 de l’ex ministre Ahmed Ben Salah, puis bifurque sur autre digression sur l’évasion de l’ancien Premier ministre, sans le nommer, Mohamed Mzali, via les frontières algériennes « par la porte de la cuisine », pour éviter de répondre à l’époque de haute trahison devant la Haute Cour, etc.

Mais quoi bon verser dans ces hors-sujet, si ce n’est pour se défiler, se dédouaner en partie, et relativiser ses propres échecs via ce qu’appellent les anglosaxons en rhétorique le « What-aboutism » ? Sur le mode du « J’ai peut-être échoué, mais regardez ces autres cas d’évasion survenus dans les années 70 »…

D’autant que le président semble se contredire en reconnaissant dans ce même raisonnement des manquements humains : « Cette évasion est totalement inacceptable, a-t-il dit, soulignant que toutes les preuves donnent à voir qu’il s’agit bien d’un plan minutieusement préparé depuis de longs mois. Il y a eu des négligences humaines et une série de défaillances au niveau de certains organes sécuritaires qu’il va falloir déterminer et punir ».

 

Le courage de démissionner, aux abonnés absents

Aujourd’hui, face aux remontrances dérisoires annoncées par le gouvernement (deux hauts fonctionnaires limogés et cinq employés de la prison placés son en garde-à-vue), plusieurs observateurs déplorent le fait que l’actuel pouvoir demeure dans une logique de la sanction plutôt que de la réforme.

Fin octobre dernier, au lendemain de l’attaque perpétrée à Bruxelles par un Tunisien radicalisé et en séjour irrégulier qui a tué deux Suédois, le ministre belge de la Justice, Vincent Van Quickenborne, avait annoncé sa démission du gouvernement expliquant avoir appris vendredi que la Tunisie avait réclamé en août 2022 l’extradition de l’auteur de l’attaque, une demande non traitée par le parquet de Bruxelles qui en a été destinataire, ce qui a mis en danger les citoyens belges. Mais mettre en place une culture de la redevabilité éthique, c’est semble-t-il encore trop en demander à nos ministres.