En Tunisie, des opposants entament « la lutte des ventres vides »

 En Tunisie, des opposants entament « la lutte des ventres vides »

Jaouhar Ben Mbarek

Les avocats du leader emprisonné du Front du salut national, Jaouhar Ben Mbarek, ont annoncé qu’il a entamé une grève de la faim ouverte. Incarcéré depuis plus de sept mois, l’opposant a entraîné dans son sillage d’autres prisonniers politiques. 

Le comité de défense a indiqué que cette décision a été prise pour protester contre ce que Ben Mbarek qualifie de « mascarade judiciaire conduite par le juge d’instruction au bureau 36 près le Pôle judiciaire antiterroriste ».

Tout en étant préoccupé par l’intégrité physique et mentale de leur client, le comité de défense des détenus politiques dit comprendre les circonstances qui l’ont poussé à prendre cette grave décision en protestation contre « l’instrumentalisation du système judiciaire par l’actuel régime dans un litige purement politique ».

Contactée, l’une des avocates de Jaouhar Ben Mbarek, sa propre sœur Dalila Ben Mbarek Msaddek, a confié : « Bien que nous nous sommes entretenus dans le parloir le 26 septembre, il ne m’a pas informé de sa décision, sans doute pour ne pas m’inquiéter. Je crains cela dit pour les séquelles irréversibles potentielles que pourrait entraîner cette grève de la faim si elle venait à se prolonger pour une longue durée. Il semble hélas déterminé à aller jusqu’au bout… ».

Or, Dalila Ben Mbarek ainsi que l’avocate Islem Hamza sont, depuis hier vendredi, poursuivies par le Parquet pour avoir divulgué à l’opinion publique des éléments de ce dossier dit de « complot contre l’Etat ».

 

Solidarité de la classe politique

Le parti centriste Al Joumhouri a pour sa part exprimé sa solidarité avec le dirigeant du Front de Salut national Jawhar Ben Mbarek et tient le chef de l’Etat et la ministre de la Justice pour « responsables des conséquences de la grève de la faim » sur la santé des détenus dans une affaire qui dure depuis plus de sept mois, appelant à leur libération immédiate et à la clôture définitive du dossier « dans la mesure où aucune preuve n’a pu être établie pour obtenir condamnation ».

Lors d’une conférence de presse organisée le 29 septembre 2023, Ahmed Nejib Chebbi a indiqué que le Front du salut national engagera plusieurs mouvements de protestation et de solidarité avec Jawher Ben Mbarak, notamment un rassemblement prévu la semaine prochaine à Tunis.

Toujours vendredi, le dirigeant du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi (82 ans), emprisonné depuis avril dernier, a annoncé à son tour qu’il entamerait « une grève de la faim de trois jours consécutifs en solidarité avec Jaouhar Ben Mbarek ». C’est Riadh Chaïbi, un membre du bureau exécutif d’Ennahdha, qui a confirmé cette décision dans un communiqué officiel du mouvement.

L’ancien ministre et dirigeant du mouvement Ennahdha, Mohamed Ben Salem, avait pour rappel été libéré mardi, après que son état de santé se soit particulièrement détérioré. Une source du Parquet a affirmé qu’il a été décidé de placer Ben Salem en résidence surveillée après sa sortie de prison.

Jaouhar Ben Mbarek est incarcéré depuis le 24 février 2023 avec d’autres figures politiques dont Khayam Turki, Ridha Belhadj, Abdelhamid Jelassi, Ghazi Chaouachi, et Issam Chebbi, sur fond d’accusations de complot contre la sûreté de l’Etat.

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