Sara Berrado : « Quand le sol bouge, tout tombe d’un coup »

 Sara Berrado : « Quand le sol bouge, tout tombe d’un coup »

Sara Berrado (DR)

Major de sa promotion (2007) de l’école d’architecture de Rabat, Sara Berrado est Business Segment Chef Urban Design dans le cabinet suédois de conseil AFRY qui propose des solutions d’urbanisme et d’ingénierie pour une société durable.  Elle revient pour nous sur l’effondrement des maisons en pisé après le séisme et sur la reconstruction.

Le Courrier de l’Atlas : Pourquoi les maisons des villages de l’Atlas se sont autant effondrées ?

Sara Berrado : Nous avons souvent affaire à des maisons en pisé, construites de manière anarchique. Elles ne possèdent pas de structures qui tient l’ensemble. Le principe de ce genre de constructions est que l’on empile les matériaux (terre ou pierre) sans qu’il y ait forcément de stabilité.

Le Courrier de l’Atlas : Comment ces maisons pourraient-elles être stables ?

Sara Berrado : Il faut qu’il y ait des poteaux. Il faut aussi un enchainement de poutres au plafond. Ce genre de constructions ressemble à un assemblement de petits sucres. Quand le sol bouge, tout tombe d’un coup. De plus, certaines maisons ne respectent pas les règlements anti-sismiques. Après le séisme d’Al Hoceima de 2004, le Maroc a mis en place un règlement de construction parasismique qui a été révisé en 2011. Pour les constructions en terre, cela est entré en vigueur en 2014. Les conditions sont claires et les constructions en pisé, terre, etc.. doivent avoir une structure.

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Le Courrier de l’Atlas : A-t-on l’habitude de ces constructions en pisé au Maroc ?

Sara Berrado : Oui, nous avons énormément de connaissances sur la construction en terre au Maroc. On sait très bien comment cela fonctionne. Le pisé est un matériel magnifique. Il garde la chaleur. C’est un bon isolant qui respecte les normes environnementaux. On utilise ainsi des produits locaux. Les dégâts proviennent souvent d’anciennes constructions précédant les règles mises en place par le Royaume.

Le Courrier de l’Atlas : Est-ce que le fait que ces maisons n’aient pas souvent de fondations et soient collées les unes aux autres, peut-il expliquer l’étendue des dégâts ?

Sara Berrado : Les fondations apportent des murs porteurs, des poteaux. La structure va être plus stable. Le fait que les maisons soient collées les unes, permet d’un côté un renforcement entre les maisons. L’inconvénient, c’est que si la première maison est touchée, elle va entrainer avec elle les autres habitations et fragiliser tout le quartier.

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Le Courrier de l’Atlas : A l’approche de l’hiver, quelles solutions provisoires peut-on apporter à ces populations ?

Sara Berrado : Bien sûr, des solutions existent. Il est possible de s’adapter à toute situation. On peut faire des maisons préfabriquées, des containers, etc. Toutefois, il faut commencer par un dialogue avec les habitants. Nous devons identifier tout d’abord leurs besoins et adapter les solutions selon chaque personne ou village.

Le Courrier de l’Atlas : Et sur le long terme ?

Sara Berrado : Les habitants vont vouloir revenir chez eux. Il faut mobiliser des architectes, des ingénieurs, des communes, de la société civile. En premier lieu, nous devons nous rendre sur place et faire un inventaire. Une étude du terrain est nécessaire. Plus on aura d’informations, plus les maisons seront stables dans le futur. Néanmoins, certains villages pourraient ne pas revoir le jour là où ils sont actuellement.