Au bûcher, TikTok, Snapchat !

 Au bûcher, TikTok, Snapchat !

MEHMET ALI OZCAN / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP

« Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt ». Cette maxime semble revenir régulièrement et à chaque occasion, on ne peut qu’y penser. La dernière ? Celle d’un président de la République qui a évoqué de bloquer l’accès aux réseaux sociaux.

Après que le gouvernement a pointé du doigt le rôle des réseaux sociaux dans les émeutes, Emmanuel Macron s’est prononcé sur le sujet dans une réunion face aux 220 maires dont les communes ont été saccagées. De son côté, le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a rappelé que les internautes peuvent être identifiés par les forces de l’ordre, même sous pseudonymes !

Exit la liberté d’expression poussée jusqu’à la caricature (tiens ça ne vous rappelle rien, cette histoire de caricatures du prophète, encensées par Macron lui-même qui criait à qui voulait bien l’entendre qu’en France, la liberté d’expression (et la liberté de blasphème qui va avec) était une ligne rouge à ne pas approcher.

Pointer la responsabilité des réseaux sociaux dans les émeutes, n’est-ce pas faire passer à la barre, après l’avoir longtemps interrogé, le pistolet qui a tué le jeune Nahel ?

Pourquoi attendre que la France s’embrase pour crier au feu et incendier les réseaux sociaux, alors que jusqu’à présent « ce jeune » président branché, n’hésitait pas à se mettre en scène dans des positions équivoques avec des rappeurs à moitié nus ?

Pourtant, cela fait plus d’une décennie que tout le monde (enseignants, pédagogues, journalistes, scientifiques etc…) s’accorde à reconnaître que les réseaux sociaux peuvent être « extrêmement dangereux » pour les jeunes.

Les experts qui sonnent l’alarme et réclament un meilleur encadrement de ces plateformes sont vite noyés dans un déluge de critiques, voire d’insultes alors qu’il a été démontré que les écrans – et en particulier les réseaux sociaux – ont des effets néfastes sur les jeunes. L’effet pervers des réseaux sociaux vient même d’être admis comme une maladie mentale, voire psychiatrique par les addictologies du monde entier même s’il semble que c’est au Canada que les recherches ont été le plus poussées.

Selon une dernière étude de Patricia Conrod, les réseaux sociaux sont en partie responsables de la hausse des problèmes de santé mentale qui affligent les jeunes. La professeure au département de psychiatrie et d’addictologie à l’Université de Montréal et chercheuse au CHU Sainte-Justine qui a travaillé avec 3 800 adolescents montréalais sur une période de cinq ans, est arrivée à la conclusion que l’augmentation de l’utilisation des réseaux sociaux chez les jeunes est directement associée à des troubles d’anxiété, de dépression et des idées suicidaires dans des proportions extrêmement élevées, à une baisse de l’estime de soi avec une hausse des symptômes liés aux troubles alimentaires.

Autre constat : on en viendrait presque à regretter la télévision ou les jeux vidéo moins nocifs que TikTok, Instagram et Snapchat, qui ont un impact négatif plus important pour les ados parce que le contenu qui y est véhiculé est partagé par un grand nombre de personnes du même âge, ce qui le rend plus réaliste à leurs yeux.

On peut regretter que ces jeunes soient exposés à une réalité idéalisée qui les pousse tout de suite à penser que leur vie et leur apparence physique ne sont pas conformes aux modèles qu’ils voient sur les médias sociaux mais jusqu’à présent, il n’y a pas encore eu d’études destinées à mesurer l’impact de l’exposition aux fausses nouvelles, aux contenus biaisés et la manière dont cette exposition permanente influence négativement ces jeunes dans leur compréhension du monde qu’on leur présente.

Le phénomène des fake news est devenu un jeu d’enfant et le premier venu peut utiliser l’intelligence artificielle pour produire du contenu sur les réseaux sociaux, sans qu’on puisse vraiment discerner le vrai du faux.

L’hypocrisie qui consiste à menacer Facebook, Twitter et autres TikTok pour protéger les mineurs des réseaux sociaux, c’est de la poudre aux yeux, c’est comme cette autre hypocrisie dont usent les producteurs de pornographies à qui on a conditionné l’accès à l’âge de 18 ans, et qui se contentent de demander à l’utilisateur son âge !

Alors tout est perdu ? Que nenni, comme dirait l’autre, face à tous les excès, la société a des capacités de résistance extraordinaires, la résistance, ce sont ces jeunes (même s’ils ne sont pas légion) qui disent non aux réseaux sociaux. Beaucoup de jeunes couples aujourd’hui bannissent les écrans de l’environnement immédiat de leurs enfants en bas âge et remplacent tout ça par la bonne vieille bibliothèque de papa, bourrée de livres.

Ce nouveau rebond de la lecture est réel, il concerne essentiellement le livre, on a pu s’en rendre compte auprès des éditeurs, même si la presse écrite continue d’être boudée par la majorité des lecteurs qui reprochent aux médias de travestir la vérité, ce qui est en partie vrai.

Mais pour penser, imaginer ou encore méditer sur la condition humaine, rien de mieux que la lecture des grands penseurs de l’humanité. Même si, au final, on est bien obligé de reconnaître avec Blaise Pascal qu’« Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. »

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