Tunisie. L’étau répressif se resserre contre la contestation

 Tunisie. L’étau répressif se resserre contre la contestation

Noureddine Taboubi, secrétaire général de l’UGTT

La tension est à son comble la veille de deux grandes manifestations de protestation contre le pouvoir en Tunisie, l’une syndicale, l’autre menée par l’opposition politique, respectivement les 4 et 5 mars.

Agissant en amont, les autorités ont empêché des responsables syndicaux étrangers d’accéder au territoire tunisien et interdit la principale marche du Front du salut national.

 

Quatorze organisations syndicales invitées par l’UGTT

Déjà aux prises avec le pouvoir exécutif, en la personne du président de la République Kais Saïed qui refuse depuis plus d’un an tout dialogue, la centrale syndicale répond cette fois également à la spectaculaire et humiliante décision d’expulsion le 18 février dernier de la plus haute responsable syndicale de l’Union européenne pour des déclarations qualifiées par Carthage d’« ingérence flagrante » dans les affaires intérieures du pays.

Quatorze organisations syndicales étrangères ont ainsi prévu d’envoyer leurs représentants pour participer à la grande manifestation qu’organise demain samedi 4 mars 2023 l’Union générale des travailleurs tunisiens. Mais cette démonstration de force en marge du conflit ouvert UGTT VS Carthage pourrait être en partie avortée : les représentants de ces organisations risquent en effet de ne pas pouvoir fouler le sol tunisien. C’est en tout cas ce que craignent plusieurs hauts responsables de l’UGTT.

« Le gouvernement nous a indiqué que la Tunisie n’acceptera pas l’entrée de syndicalistes en Tunisie. Nous avons été notifiés par le ministre des Affaires sociales, Malek Zahi. En somme, on nous a demandé de prier nos invités de ne pas venir en Tunisie », a affirmé aujourd’hui Sami Tahri. C’est que la police tunisienne des frontières a d’ores et déjà refoulé hier jeudi 2 mars Marco Perez Molina, chargé de la coopération avec l’Afrique et l’Asie au sein de la CEC-UGT Espagne, venu assister à la manifestation de demain. D’autres homologues pourraient donc subir le même sort.

 

Bras de fer avec le gouverneur de Tunis

Le gouvernorat de Tunis a par ailleurs publié le 2 mars un communiqué indiquant que la demande faite par le Front du salut national pour organiser une marche de protestation le dimanche 5 mars a été tout bonnement refusée. Cette marche devait débuter à la place de la République et se diriger vers l’avenue Habib Bourguiba en passant par l’avenue de Paris. Motif invoqué par le gouverneur Kamel Fekih, un proche du président Saïed : certains leaders du Front de salut sont suspectés de complot contre la sûreté de l’Etat.

« Un authentique raisonnement circulaire » pour le Front qui affirme que le régime bafoue la présomption d’innocence dans une affaire en cours, et que les marches et manifestations n’ont pas à demander d’autorisation mais sont simplement tenues du point de vue de la loi à informer les autorités régionales de leurs intentions.

Jaouhar Ben Mbarek et Chaïma Issa, tous deux dirigeants du Front de salut, sont actuellement sous le coup de mandats de dépôts émis à leur encontre pour suspicion de complot contre la sûreté de l’Etat.

 

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