Le FMI déprogramme une réunion cruciale consacrée à la Tunisie

 Le FMI déprogramme une réunion cruciale consacrée à la Tunisie

La nouvelle donne lieu à toutes sortes de supputations. Une réunion qui devait être consacrée au déblocage d’un prêt vital en faveur de la Tunisie, le 19 décembre 2022, a été tout bonnement retirée de l’ordre du jour de l’institution financière internationale.

Le Fonds monétaire international vient en effet de mettre à jour, mercredi soir, le calendrier des réunions de son conseil d’administration, consultable sur son site officiel, comme le révèle le site ilboursa.com. La même source note que la réunion en question est en fait reportée sine die puisqu’il n’en est pas fait mention aussi loin que la visibilité dudit calendrier le permet, au 22 décembre courant.

Traditionnellement, l’obtention de l’accord final du Conseil d’administration du FMI ne devrait être qu’une quasi formalité, une fois que l’accord préliminaire au niveau des experts a été trouvé, ce qui en l’occurrence fut le cas pour la Tunisie à la mi-octobre au terme d’un tortueux processus de négociations de près de 18 mois. Or, cet ajournement surprise jette le trouble et crée un climat anxiogène aussitôt constaté, car le pays reste suspendu au déblocage de ce 1.9 milliard de dollars en vue d’obtenir d’autres prêts bilatéraux auprès de pays tiers.

En réalité, l’accord final n’est pas encore obtenu que le gouvernement tunisien a d’ores-et-déjà entamé la contraction de prêts notamment auprès de l’Algérie et de la Banque africaine d’import-export, via des protocoles opaques, dont les Tunisiens et les médias ne prennent connaissance qu’en consultant le Journal officiel (JORT), étant donné le silence radio gouvernemental à ce sujet.

 

L’hypothèse de l’absence de signature présidentielle

Le conseil d’administration du FMI devait se réunir pour examiner le programme des réformes proposées par le gouvernement tunisien, en vue de l’octroi d’un crédit de 1.9 milliard de dollars (environ 6 milliards de dinars tunisiens), débloqués sur une période de 4 ans. Des réformes impopulaires sur le plan national, sur lesquelles le gouvernement Bouden communique peu, et dont une révision du statut des entreprises publiques, du système de sécurité sociale, une levée des subventions de certaines denrées et énergies, etc.

Selon l’économiste Aram Belhadj, la déprogrammation de l’examen du dossier de la Tunisie serait principalement due au fait que le président de la République Kais Saïed, actuellement à Washington à l’occasion d’un sommet américano-africain, n’a toujours pas ratifié la loi de Finances 2023 :

« Malgré les grands efforts déployés par plusieurs hauts cadres des ministères, notamment le ministère des Finances et le ministère de l’Economie et de la Planification, ce qui se passe aujourd’hui ne peut être qualifié que « d’irresponsabilité » commise par l’exécutif de ce pays », déplore-t-il.

>> Lire aussi : Amérique/Afrique. Grand-messe des intérêts économiques

D’autres interprétations vont toutefois plus loin, en avançant que le FMI, lucide sur la nouvelle nature du pouvoir en Tunisie, aurait cette fois requis la signature du chef de l’Etat en personne pour l’ensemble des réformes annoncées. En clair, la signature du gouvernement n’engage plus le Fonds, échaudé par l’instabilité politique en Tunisie ces dernières années.

Plus pessimiste, l’ancien diplomate Elyes Kasri estime que le timing de cette déprogrammation, au moment où Saïed se trouve Aux Etats-Unis, est lourd de sens :

 

Dans le procès-verbal de la réunion entre Anthony Blinken et le président tunisien publié hier soir, on peut lire sur le site du State Department que Kais Saïed s’est longuement expliqué sur les motivations de son coup de force du 25 juillet 2021. Des explications qui n’ont manifestement pas convaincu le chef de la diplomatie US, si l’on en croit la teneur de son tweet qui revient une fois de plus sur l’état de la démocratie et des libertés fondamentales en Tunisie.