Tunisie. L’Etat engage des chantiers pharaoniques pour l’infrastructure

 Tunisie. L’Etat engage des chantiers pharaoniques pour l’infrastructure

Malgré ses difficultés boucler son budget en cours et à financer l’exercice 2023, le gouvernement de Najla Bouden semble déterminé à mettre à exécution un très ambitieux plan à 11 milliards d’euros destiné au secteur du Bâtiment et des travaux publics (BTP).

En dépit d’un budget de l’Etat en crise, sauvé in extremis par la promesse d’un prêt du Fonds monétaire international en décembre prochain, le ministère tunisien de l’Equipement voit les choses en grand. Selon Africa intelligence, l’exécutif encouragé par la fédération nationale des entrepreneurs de bâtiments et des travaux publics, prévoit d’investir pas moins de 35 milliards de dinars tunisiens (près de 11 milliards d’euros) jusqu’à l’horizon 2035, notamment dans les infrastructures routières du pays.

Pour l’opposition, le gouvernement Bouden, considéré comme un gouvernement tant intérimaire qu’éphémère en attendant les élections législatives fin 2022, chargé de la gestion des affaires courantes, n’a pas la légitimité requise pour engager le pays pour des chantiers titanesques sur une durée dépassant allègrement une décennie.

Ainsi l’actuel pouvoir est en passe d’investir dans ses infrastructures à hauteur de l’équivalent de 80% son PIB 2021 : plusieurs projets d’envergure avaient été présentés à ce titre par le ministère de l’Equipement dès le 5 octobre. Celui du pont de Bizerte serait le plus avancé, les 4 entreprises retenues ont moins de 4 mois pour soumettre leurs propositions. Le projet global, qui implique par ailleurs la construction des axes routiers de part et d’autre du viaduc de 2 kilomètres, est à lui seul estimé à 277 millions d’euros. La quasi-totalité du montant sera néanmoins prise en charge par des financements de la Banque européenne d’investissement (BEI), qui a accordé 123 millions d’euros en 2016, et par la Banque africaine de développement (BAD), à hauteur de 122 millions d’euros.

Autre chantier, le pont géant reliant l’île de Djerba au continent sera pour sa part réalisé en partenariat public-privé (PPP), de sorte de réduire la part de l’Etat tunisien dans le coût d’ensemble, estimé à 700 millions de dinars (près de 218 millions d’euros). S’agissant de l’étude de faisabilité, confiée en juillet 2021 au cabinet SCET Tunisie, est toujours en cours. Prévue elle aussi en PPP, la construction de l’autoroute A3 Bou Salem – frontière algérienne, dont les études techniques sont en cours de finalisation, coûterait quant à elle 400 millions de dinars (124 millions d’euros). Enfin, le projet de construction d’une troisième rocade dans le grand Tunis, baptisée X30, avance aussi lentement. Les études techniques ont été réalisées, sauf que l’évaluation de son coût global atteindrait aujourd’hui la bagatelle de 1 milliard de dinars (310 millions d’euros)…

 

Saïed inflige de lourdes amendes aux banques

Sur un autre front indirectement lié aux finances de l’Etat, le président de la République Kaïs Saïed vient de décréter un nouveau décret-loi présidentiel paru dans le dernier numéro du Journal officiel de la République Tunisienne (JORT), un texte qui inflige des amendes allant de 30 à 100 mille dinars aux « banques et institutions financières accordant à leurs clients des crédits à un taux d’intérêt excessif ».

Ce décret présidentiel n° 2022-67 daté du 19 octobre 2022 concerne ainsi tout financement consenti à un taux de profit effectif global qui excède, au moment où il est consenti, le taux de profit effectif moyen pratiqué au cours du semestre précédent par les banques et les établissements financiers agréés pour exercer les opérations bancaires islamiques, d’une marge qui est fixée elle aussi par décret selon les catégories de financements et de bénéficiaires.

Si elle part d’une idée de justice, certains économistes considèrent qu’il s’agit là d’un dangereux précédent d’ingérence du pouvoir exécutif dans le secteur bancaire et ses produits d’emprunt. D’autant que sous Kais Saïed, l’Etat en difficulté financière a récemment emprunté un montant de 1,9 milliard de dinars tunisiens auprès des banques nationales tunisiennes, rien qu’en septembre dernier. Le geste de Carthage pourrait par conséquent être interprété comme une guerre ouverte déclarée à l’encontre des banques.

Avant-hier 24 octobre, la cheffe du gouvernement Najla Bouden qui présentait un programme national de réformes économiques, a une fois de plus été raillée sur les réseaux sociaux pour la lecture laborieuse de son propre discours inaugural, prononcé dans un arabe littéraire calamiteux.