Tunisie. Une fillette de 4 ans arrive seule sur les côtes italiennes

 Tunisie. Une fillette de 4 ans arrive seule sur les côtes italiennes

De temps à autre, un incident vient rappeler l’aspect tragiquement humain des traversées de la mort vers l’Italie. Cette fois l’info fait la Une de la presse italienne, scandalisée par l’arrivée sur l’île de Lampedusa d’une petite fille âgée d’à peine 4 ans, sans ses parents. Explications.

Un poignant reportage de la Raï News montre pudiquement la fillette prise par la main par les carabinieri garde-côtes italiens

Toujours en pointe sur le front du suivi du dossier migratoire, le surnommé député-militant Majdi Karbaï (élu Attayar représentant les Tunisiens de l’étranger pour la circonscription de l’Italie) du Parlement tunisien dissout explique :

« Les journaux italiens ont fait circuler la nouvelle de l’arrivée d’une fillette de 4 ans originaire de Tunisie, seule, dimanche sur l’île de Lampedusa. Lorsque la famille m’a aussitôt contacté, je me suis entretenu avec les autorités italiennes et tunisiennes, en coordination avec des organisations humanitaires qui ont immédiatement pris en charge la fillette. Hier mardi, j’ai été informé qu’elle avait était placée dans un centre de soins pédiatriques spécialisé, qui a pu me fournir un compte-rendu détaillé. Je continue d’assurer le suivi de sa situation, cela correspond en tout cas à ce qu’ont rapporté les journaux italiens aujourd’hui. Je tiens à rassurer sa famille et à leur faire savoir que je m’attèlerai à la résolution de cette affaire jusqu’à son aboutissement ».

Aux dernières nouvelles, nous apprenons que la justice italienne s’est saisie du dossier et s’est engagée mercredi à permettre exceptionnellement aux deux parents de rejoindre leur progéniture via un visa spécial. Or, entre-temps les autorités tunisiennes ont procédé à l’arrestation du père et de la mère de la petite fille.

 

Des récits contradictoires

Selon la version du député Majdi Karbaï, qui relaye le témoignage de la famille, un contre-temps serait à l’origine du tragique épisode. Il semble en effet que la famille, qui compte deux fillettes l’une âgée de 7 ans, l’autre âgée de 4 ans portée par son père, s’est présentée sur une barque de transition, censée assurer le passage d’une embarcation à l’autre, les bateaux chargés du voyage final ne se rapprochant pas de la côte, par précaution. C’est là que, paniquée par le poids de sa fille de 7 ans, la mère a appelé le père au secours. Ce dernier aurait alors déposé sa fillette la plus jeune, avant de se diriger vers les deux autres membres de sa famille. C’est à ce moment que le conducteur de l’embarcation se serait impatienté et quitté sans attendre les retardataires.

Mais le modus operandi des enquêteurs les pousse à suspecter d’abord le pire, en l’occurrence selon le porte-parole de la Garde nationale tunisienne, la suspicion de traite humaine. Les autorités tunisiennes accusant à l’heure actuelle le père d’avoir voulu utiliser son enfant « en guise d’avance de paiement ». Une thèse sérieuse selon les officiels, dans la mesure où les parents se sont murés dans le silence, ne souhaitant pas coopérer avec la Garde-nationale s’agissant de l’identité des passeurs qui ont organisé la traversée.

Cependant cette accusation semble d’autant moins tenir la route qu’il est établi que la famille aurait fourni la somme de 24 mille dinars tunisiens à ses passeurs, soit 6 mille dinars par personne (moins de 2 mille euros), un montant qui correspond aux « tarifs en vigueur » pour ce type précis de circuit considéré comme le plus traditionnel et le moins coûteux, à l’inverse des nouvelles voies empruntées par des traversées plus sophistiquées et plus onéreuses.

Les chiffres de 2021 témoignaient déjà d’une forte augmentation de la migration irrégulière des Tunisiens vers l’Italie : les effectifs des arrivées en Italie ont ainsi augmenté de 38% par rapport à 2020 avec 20.218 arrivées en Italie depuis la Tunisie, dont environ 77 % de Tunisiens (environ 13 mille) et 23 % de non-Tunisiens, selon le ministère de l’Intérieur italien.

En cette saison particulièrement chargée de la « harka », argot désignant les traversées en mer clandestines de la méditerranée, les statistiques de 2022 fournies par le FTDES atteignent pour les 9 premiers mois de l’année un chiffre supérieur à l’ensemble de l’année 2021, puisqu’ils sont déjà 14 mille Tunisiens à avoir atteint les côtes italiennes.