120 ans de Mission Laïque Française : « Quel monde d’après » ?

 120 ans de Mission Laïque Française : « Quel monde d’après » ?

Cérémonie d’ouverture des 120 ans de la MLF à l’Université Internationale de Rabat (UIR) (DR)

L’association d’utilité publique, la Mission Laïque Française (MLF) a fêté ses 120 ans à Rabat. Un anniversaire qui s’accompagne des 25 ans de l’OSUI, l’organisme d’enseignement de la langue française au Maroc. L’occasion de parler numérique, de lycées professionnels en France et dans le monde mais aussi de l’avenir de la langue française qui est le dossier de notre magazine mensuel à commander ici : La Langue française au Maghreb : le grand remplacement ?

Lors du colloque pour ses 120 ans à Rabat, l’association Mission Laïque Française voulait voir vers l’avenir. Pour preuve le titre du colloque : « Le monde d’après » ! Un vaste programme quand on sait à quel point l’éducation a, comme le système de santé, pris de plein fouet la récente pandémie. Il a fallu gérer la pression d’une numérisation rapide et mal préparée mais aussi une réelle volonté du personnel éducatif de contribuer à l’effort de nouvelles formes d’enseignements.

Le chercheur en sciences de l’information et de la communication et directeur du laboratoire Techné à Poitiers, Jean-François Cerisier estime que « cela a été difficile durant la période de confinement parce que rien n’était préparé, ou plutôt personne n’était préparé à cette situation. Les infrastructures numériques ont été un peu malmenées mais cela s’est plutôt bien passé. Les enseignants ont été déterminés à maintenir la relation avec les enfants. Ils ont fait ce qu’ils ont pu. »

Des nouvelles pistes d’éducation  vers le numérique ont vu le jour comme le relève le directeur général de la Mission Laïque Française, Jean Marc Merriaux. « Nous avons travaillé sur les certifications des compétences numériques, qui passe par un outil informatique, PIX. Celui-ci a été choisi par l’Unesco pour pouvoir porter les enseignements dans une vision très universelle. »

>>Lire aussi : L’Académie française en guerre contre le franglais

Numérique : source de progrès ?

Si le numérique semble voué à un bel avenir, des freins et résistances persistent. En premier lieu, la fracture numérique. Selon l’INSEE, l’illectronisme touche 17% de la population qui concerne toutes les tranches d’âges. « Les adolescents ont des compétences qui sont liés à leur activité très intensive sur certaines applications mais elles sont limitées avec l’usage qu’ils en font (réseaux sociaux, jeux,..), indique Jean-François Cerisier. Les compétences numériques sont mal distribuées socialement. Il y a des familles où les enfants sont bien accompagnés et les autres. La solution est l’école. Elle porte une grande responsabilité. »

Et qui dit numérique, dit « données ». En l’occurence, certains logiciels permettent de mieux adapter le programme et les leçons. Derrière ces innovations : l’intelligence artificielle. Un algorithme impersonnel qui peut accroitre les discriminations entre élève du fait des codes biais. En effet, la machine ne fera pas la différenciation sociale ou religieuse mais elle aura, au sein de son algorithme, les anciennes discriminations en données. « La machine ou la technique ne sont pas en cause, relève le directeur du laboratoire Techné à Poitiers. Ce qui pose problème est l’usage que l’on en fait. Il revient à ceux qui nourrissent l’algorithme d’éviter les biais de représentation, de la diversité des élèves. C’est une difficulté toute humaine pour l’intelligence artificielle ! »

Et ce concept fait peur même si certains se prêtent à rêver d’ une école sans professeurs. « Certains l’imaginent mais je ne pense pas que cela soit possible sans l’équipe éducative et l’intelligence humaine de la relation pédagogique. En ce qui concerne l’I.A., on doit en avoir peur mais c’est une technologie qui apporte une aide considérable pour mieux enseigner et individualiser les besoins d’un élève. »

>>Lire aussi : Les maths, porte d’entrée des Marocains

Les partenariats, sorte de co-éducation française à l’étranger

Outre le numérique, l’enseignement à la française à l’étranger doit faire face à plusieurs paradigmes. Outre la naissance d’autres établissements privés et/ou étrangers (Belgique, Espagne, etc..), elle doit aussi pouvoir s’adapter au monde éducatif en changement. Ainsi, la politique de la MLF a été de mettre en avant les partenariats et le multilinguisme. « Il y a un enjeu de développement très fort, le modèle d’établissements en pleine responsabilité existe et rend possible ce que fait la MLF. Certains partenaires financiers nous demandent aussi d’être mandataires de gestion d’établissement comme cela se fait en Egypte par exemple. Nous devons être en capacité de pouvoir répondre car cela fait partie de notre adaptation. »

Avec pour mot d’ordre « Bac Français International », le système éducatif français à l’étranger vise de plus en plus la défense d’un modèle d’enseignement plutôt que la défense tous azimuts de la langue française. Une vision qu’avait déjà eu Pierre Deschamps, le créateur de la Mission Laïque Française. « Lors de la genèse de l’association, il disait « pour faire une bonne école française, il faut savoir faire une bonne école arabe ». Vous imaginez. C’était il y a 120 ans! On continue à dire que nous devons être implanté pleinement dans les territoires. Nous sommes là pour développer un enseignement basé sur des valeurs. »

>>Lire aussi : Le « Dictionnaire des Francophones » pour « ambiancer » la langue française

Quel lycée professionnel pour demain ?

Et si, sur les filières générales, les pistes sont à peu près tracées, ce n’est pas le cas des filiales professionnelles. En effet, la MLF a ouvert un bac pro Gestion-Administration à Abdijan mais beaucoup reste à faire. Pour Jean-Marc Merriaux, l’enseignement professionnel est « très compliqué. Il y a des enjeux de coûts qui sont énormes, avec des matières techniques qu’il faut mettre en place. Nous devons montrer aussi que l’enseignement professionnel est une filière d’excellence. »

Pourtant, l’enseignement professionnel pourrait permettre à la France et aux pays partenaires, de saisir des opportunités de l’excellence technologique française de demain. « Le numérique peut aider à l’apprentissage des gestes professionnels, indique Jean-François Cerisier. Pendant longtemps, on a pensé que ce ne pouvait pas être le cas. Les techniques en 3D immersives font que l’on peut proposer des situations inédites comme une formation des gestes en peinture-carrosserie sans passer par la case matériel mais avec un simulateur. C’est un apport considérable. »

Sans être pris à défaut pour sa qualité ou son niveau, l’enseignement français en France ou à l’étranger devra passer par une réforme. Le numérique, l’intelligence artificielle, les partenariats et autres simulations immersives seront les atouts de l’éducation à la française du XXIème siècle.