Ons Jabeur ou la malédiction persistante des finales

 Ons Jabeur ou la malédiction persistante des finales

Ons Jabeur en pleurs au terme de sa finale perdue le 10 avril 2022 à Charleston

En s’inclinant le 10 avril en finale du tournoi de tennis de Charleston, en Caroline du Sud, face à la suissesse Belinda Bencic (numéro 13 mondiale), la tunisienne Ons Jabeur (9ème mondiale), continue de cultiver le paradoxe d’être une grande championne, quasiment sans titres.

Est-ce la peur de gagner ou bien le manque de cet indéfinissable trait qui fait la différence chez les tenniswomen les plus titrées ? A 27 ans, Ons Jabeur sait sans doute qu’elle entame la fin de sa carrière, seule joueuse arabe à avoir atteint le top 10 mondial, mais avec cette grande frustration s’agissant des consécrations en tournoi, que cela soit en « slam », « ITF », ou encore en « minor ». Seul titre à l’actif de Jabeur, un tournoi « main », celui de Birmingham en Grande-Bretagne, remporté enfin en juin 2021, sur gazon.

Pourtant, avant de passer professionnelle sur le circuit WTA, les débuts du parcours d’Ons Jabeur pouvaient laisser présager d’une machine à remporter des compétitions, de la même trempe de celles que l’on détecte dès l’adolescence. En 2010, l’année où nous l’avions rencontrée pour la première fois, elle parvient à se qualifier pour la finale du prestigieux Roland-Garros junior, mais finit par s’incliner en deux sets face à l’ukrainienne Elina Svitolina.

L’année suivante, elle remportait déjà la finale, face à la Porto-Ricaine Monica Puig. Elle devient alors la première joueuse africaine à gagner un tournoi du Grand Chelem en simple depuis 55 ans, et la victoire de son compatriote Mustapha Belkhodja, à Roland-Garros junior en 1956.

Jabeur est par ailleurs double championne d’Afrique des moins de seize ans. En 2010, elle décroche également la médaille d’or des premiers Jeux africains de la jeunesse à Rabat.

 

Désillusions en finales

Ce n’est que huit années plus tard, en 2018, qu’elle atteint pour la première fois une finale en tournoi WTA au tournoi de tennis de Moscou. En avril 2021, elle atteint sa deuxième finale sur le circuit WTA à Charleston, mais alors qu’elle est tête de série no 1 et qu’elle remporte le premier set de la finale, elle s’incline face à l’Australienne Astra Sharma.

C’est précisément ce même tournoi américain de Charleston, qui semble lui apporter la baraka, que la tunisienne s’était fait la promesse de remporter en cette année 2022. Elle y a réitéré sa performance d’arriver en finale, une fois de plus en position favorable pour l’emporter, étant mieux classée que son adversaire Belinda Bencic (25 ans).

Mais visiblement pas dans un bon jour, elle concède le premier set 1-6. Lorsqu’elle remporte le deuxième set au forceps, 7-5, on se dit alors que tout est reste possible, d’autant que Jabeur apparaît déterminée, ne montrant pas de fragilité, une fois n’est pas coutume en finale, ni physique ni psychologique en ce point de basculement du match. Mais rien n’y fait : quelques déchets dans le jeu de la tunisienne suffiront à ce que Bencic prenne le dessus, plus concentrée.

Exemplaire de fair-play dans son speech de la victoire, la suissesse s’adresse d’abord à son adversaire en pleurs pour la consoler : « Ne pleure pas, tout le monde ici connaît tes qualités sportives et humaines… Je suis sûre que cela viendra ! », lui lance-t-elle, ayant conscience de cette malédiction des couronnements qui semble poursuivre la tunisienne.

Le documentaire de l’Equipe « L’étoile montante de Tunisie » montre notamment l’attachement de Jabeur à son pays natal où elle continue de s’entraîner

 

Vers un nécessaire changement de staff ?

Présentant comme particularité de n’avoir jamais renoncé à son pays au profit d’un cadre plus adapté en termes d’équipement et de logistique au circuit pro, ni même au profit d’une autre nationalité, Ons Jabeur ne dispose pas d’entraîneur de renommée mondiale.

La tunisienne est en effet entraînée depuis février 2020 par son compatriote Issam Jellali, qui lui fut affecté par la Fédération tunisienne de tennis. Cet ancien joueur de tennis tunisien, devenu coach aux Emirats Arabes Unis, est considéré comme l’une des rares compétences techniques nationales.

Contrairement à la jeune prodige du tennis Emma Raducanu, qui n’a pas hésité récemment à changer d’entraîneur dès lors qu’elle vise le très haut niveau, Jabeur semble s’épanouir dans cette relation joueuse-entraîneur : « Nous avons commencé ensemble à partir de rien. Nous sommes maintenant dans le top 10 du classement WTA. Certaines personnes doutaient beaucoup de notre relation, mais nous sommes restés ensemble. Il n’est pas nécessaire d’avoir un entraîneur avec beaucoup d’expérience. Nous devons changer cette mentalité », persiste à croire la tunisienne.

Au terme de deux années certes de success story au vu des résultats globaux de Jabeur, mais au goût d’inachevé et parfois d’impréparation physique et mentale, le temps est peut-être venu de réévaluer l’apport potentiel d’expériences tierces, internationales, Jellali étant un grand coach qui a probablement donné l’essentiel de ce qu’il pouvait proposer.

 

L’unique titre WTA d’Ons Jabeur, au Tournoi de tennis de Birmingham en 2021