De l’Atlantique à l’Indus, le monde musulman à la veille d’un ramadan difficile

 De l’Atlantique à l’Indus, le monde musulman à la veille d’un ramadan difficile

Les musulmans doivent composer avec l’inflation et les pénuries, ici au marché central de Tunis, pour un mois de Ramadan qui s’annonce difficile.

Les habituels préparatifs du mois de ramadan, autrefois festifs, deviennent aujourd’hui un vrai casse-tête pour de nombreux musulmans. Entre la hausse des prix de l’énergie et des produits alimentaires attisée par l’invasion de l’Ukraine, le moins saint s’annonce particulièrement frugal cette année.

La guerre qu’a déclenchée la Russie fin février a exacerbé les problèmes alimentaires de certains pays d’Afrique et du Moyen-Orient. Des difficultés que les préparatifs du ramadan, mois sacré des musulmans, rendent encore plus évidentes. En effet, la Russie et l’Ukraine font partie des principaux exportateurs mondiaux de produits agricoles, comme le blé, l’huile végétale et le maïs. Au point où les experts prédisent à moyen terme une crise mondiale de la faim, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique.

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Sous l’effet combiné d’une hausse des prix de l’énergie et d’une pénurie de matières premières agricoles se sont ainsi de larges pans de l’industrie agroalimentaire qui se retrouve en difficultés : élevage, boulangerie et biscuiterie, pâtes et dérivés, plats cuisinés, etc.

Les tables traditionnellement copieusement garnies pour la rupture du jeûne vont-elles laisser la place à plus de frugalité ? Du Maroc à l’Irak, en passant par toute l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, les consommateurs font en tout cas grise mise face à la flambée des prix des denrées alimentaires et du carburant.

« Il devient compliqué de trouver régulièrement des choses aussi simples que les œufs », tempête Abdelmatine. L’octogénaire ressort bredouille de la troisième épicerie, alors qu’il habite la Manouba, l’une des principales banlieues de Tunis. Malgré la fermeté affichée par les autorités contre les spéculateurs, le nombre de produits difficiles à trouver ne cesse d’augmenter.

 

La crise n’épargne (presque) personne

En Tunisie, les associations caritatives multiplient la collecte de produits alimentaires en faveur des familles démunies à l’approche du ramadan. Mais, elles se retrouvent en manque de dons à cause de la dégradation de la situation socio-économique, y compris chez les classes moyennes et moyennes supérieures.

Même son de cloche un peu partout dans le monde musulman. Les « prix élevés affectent et gâchent l’atmosphère du ramadan », a déclaré à l’AFP Sabah Fatoum, un habitant de la bande de Gaza. Le territoire sous blocus israélien a connu une inflation – officielle – de 11 %. Les prix risquent d’augmenter encore pendant le mois saint, ont prévenu les autorités.

En Égypte, premier importateur de blé russe et ukrainien, le président Abdel Fattah al-Sissi a ordonné un plafonnement des prix du pain non subventionné après que son prix a augmenté de 50 %. La monnaie locale a également perdu 17 % de sa valeur ce même mois.

Même en Arabie saoudite, riche en pétrole, de nombreux Saoudiens se plaignent de la hausse des prix. Le Qatar fait cependant exception. Il a été en mesure de réduire les prix des denrées alimentaires avant le ramadan dans un geste symbolique. Les « prix de plus de 800 produits de base ont été réduits (…) à partir du 23 mars jusqu’au mois sacré du ramadan », a indiqué le ministère qatari du Commerce et de l’Industrie.

 

Un démultiplicateur des crises existantes

Dans les pays en guerre, la nouvelle donne internationale a des conséquences encore pires. Au Yémen, pays le plus pauvre de la péninsule arabique et en proie à la guerre depuis 2014, les effets de l’invasion de l’Ukraine se font déjà sentir. La Somalie, aux prises avec une insurrection islamiste et qui subit sa pire sécheresse en 40 ans, se prépare également à un ramadan morose.

En Syrie, théâtre d’une guerre depuis 2011 qui a plongé environ 60 % de la population dans l’insécurité alimentaire, le ramadan sera encore moins festif cette année. Le gouvernement syrien, qui dépend fortement de Moscou pour ses importations de blé, rationne le blé, le sucre et le riz par crainte de pénuries. L’huile de cuisson y est vendue en quantités limitées et son prix a plus que doublé depuis le début de la guerre en Europe.

Au Liban, qui connaît depuis 2019 par la pire crise économique de son histoire, la solidarité est « mise à rude épreuve », explique Bujar Hoxha, directeur de l’ONG Care International pour le pays. La hausse « des prix des denrées alimentaires sur les marchés locaux rendent difficile le mois du ramadan tant attendu par de nombreux Libanais », a-t-il ajouté.