Tunisie. Ramadan: les autorités promettent plus de fermeté contre les contrevenants
A l’approche du mois du ramadan 2022, premier mois saint depuis la suspension de la Constitution de la IIème République en Tunisie, l’article révolutionnaire portant sur la liberté de conscience semble être désormais un lointain souvenir. L’étau se resserre contre les non-jeûneurs.
Révolutionnaire, mais déjà peu respectée avant l’avènement des dispositions d’exception du 25 juillet 2021, la disposition constitutionnelle de l’article 6 sur la liberté de conscience sera encore moins prise en compte, à en croire un cadre sécuritaire haut responsable au ministère de l’Intérieur. Sous couvert d’anonymat, ce dernier a en effet confié à nos confrères de Hakaek online que les autorités vont « renforcer les contrôles durant ce mois du ramadan ».
Ordre moral et forces de l’ordre
« Nous allons multiplier les inspections de cafés et de restaurants ouverts illégalement, et serons plus fermes s’agissant de l’application des mesures visant les déjeuneurs dans l’espace public », déclare la même source.
Le responsable poursuit : « le nombre d’établissements autorisés à ouvrir en cours de journée sera réduit, surtout dans la capitale Tunis, et nous veillerons à ce que la loi sera appliquée de sorte que seuls les cafés et restos touristiques pourront ouvrir leurs portes pendant le ramadan ». Toujours selon Hakaek online citant cette « source haut placée », ces instructions requérant davantage de fermeté à l’encontre des déjeuneurs proviendraient directement de la présidence de la République.
Ceux qui soutiennent à ce jour le président Kais Saïed au seul motif qu’il les a « débarrassés des islamistes » apprécieront.
Une autre source sécuritaire s’attend à ce qu’une nouvelle circulaire en ce sens soit émise par le ministère de l’Intérieur. Un texte sur le même modèle que la célèbre circulaire dite de Mohamed Mzali datant de juillet 1981, et toujours en vigueur dans les faits, malgré le flou artistique des pouvoirs successifs en Tunisie à ce sujet, où les cafés ouverts installent généralement des isoloirs et du papier journal cachant leurs fenêtres vitrées aux regards extérieurs.
Pourtant, le juriste Amine Mahfoudh, proche conseiller juridique de l’actuel président Saïed, exprime aujourd’hui sa ferme opposition à ce qu’il considère comme une dérive religieuse : « L’observance des cultes religieux ne doit pas se transformer en limitation des libertés : Je suis contre la fermeture des restaurants et cafés pendant le mois du ramadan », écrit-il dans un post qui fait réagir de nombreux utilisateurs de la toile.
Un zèle spécifique au Maghreb
Telle une arlésienne, le débat de fond sur la civilité de l’Etat est indéfiniment remis à plus tard, au profit d’une interprétation large des notions « d’atteinte aux bonnes mœurs » et de « trouble à l’ordre public ».
Un tweet de la Fédération des chambres saoudiennes du commerce a récemment fait polémique en Arabie saoudite : il dément l’existence d’un document autorisant ses affiliés de la restauration à servir les clients durant le mois du ramadan, expliquant ce geste par la relance du tourisme, conformément aux réformes voulues par le pouvoir saoudien d’ici l’horizon 2030. Classé urgent et confidentiel, le document en question continue de circuler sur le web.
Dans une série de vidéos consacrées au sujet, le youtubeur algérien Aldo Sterone explique que « ce que nous pratiquons dans contrées est en réalité devenu un maghrébisme : un mélange de traditions sociales et de religieux, ramadan étant devenu le mois des bagarres entre chauffards, du gaspillage alimentaire, de la surveillance d’autrui, et de personnes en mauvaise santé qui jeûnent malgré la maladie », entre autres dérives.
A une dizaine de jours du ramadan attendu cette année pour le 2 avril, la tension est palpable auprès de certains gérants de cafés qui expliquent ne pas avoir le choix, là où d’autres se résignent à accepter la double peine post covid, et en profitent pour entamer des travaux d’entretien annuel.
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