A Tunis, des milliers de manifestants empêchés d’atteindre l’Avenue Bourguiba
De violents heurts ont opposé durant plusieurs heures dans l’après-midi du vendredi les forces de l’ordre aux manifestants. La police anti émeutes a eu recours abondamment aux canons à eau et au gaz lacrymogène pour disperser les protestataires qui tentaient de forcer le passage vers l’Avenue Habib Bourguiba. Récit.
C’est un 14 janvier, 11ème anniversaire de la révolution, bien particulier qu’a vécu la capitale. Il s’agit du premier anniversaire depuis que le président Kais Saïed ait décrété unilatéralement l’abolition de ces commémorations au profit du 17 décembre, à la faveur d’une lecture révisionniste de l’Histoire récente du pays. « Nul ne peut d’un coup de crayon effacer un pan entier de notre Histoire, le 14 janvier est la date anniversaire de notre révolution, et ce n’est pas un anonyme qui pourra changer cela ! », avait martelé jeudi l’opposant Ezzedine Hazgui, au nom du principal pôle « anti coup d’Etat ».
La veille, des barrières de sécurité ont été placées en nombre pour barrer l’accès à l’Avenue Habib Bourguiba, le nouveau gouverneur de Tunis, Kamel Fekih, proche du président Saïed, ait interdit ces manifestations, évoquant les mesures sanitaires mais aussi le fait que « ces gens n’ont rien à proposer ». Une affirmation qui fait sortir au passage l’administration de sa neutralité politique.
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Contre le projet d’instauration d’un pouvoir absolu
Mais à la mi-journée, des milliers de manifestants déterminés, opposés à l’état d’exception et au « régime autocratique » en passe d’être mis en place, ont afflué vers l’artère principale du centre-ville de Tunis, en tentant de forcer les barricades qui la séparent des rues et avenues voisines. Objectif : faire la jonction entre au moins trois manifestations, celle des partis de centre gauche dont Attayar et Ettakatol, pour la première fois dans la rue depuis le 25 juillet, celle du Parti ouvrier (gauche radicale), et celle de divers indépendants ayant répondu à l’appel.
Parmi les slogans brandis, « Constitution, liberté, dignité nationale », « Forces de l’ordre républicaines, ne soutenez pas la nouvelle dictature ! », ou encore « A bas le putsch ! ».
A 24 heures du coup d’envoi de la consultation nationale en ligne instiguée par le Palais de Carthage, prélude à une phase constituante qui devrait instaurer un changement de régime vers un système de gouvernance présidentialiste assorti d’un mode de scrutin atypique pour les législatives, le pays apparaît plus divisé que jamais. Entre partisans de la figure du « sauveur » et appels au boycott, aucun dialogue ne semble possible.