Tunisie. Ouverture d’une information judiciaire autour du décès de Béji Caïd Essebsi
Le porte-parole de la Cour d’appel de Tunis, Habib Torkhani a révélé que la ministre de la Justice a effectué une demande auprès du procureur général afin d’ouvrir une information judiciaire sur les circonstances du décès de l’ancien président de la République Béji Caïd Essebsi, conformément aux dispositions de l’article 23 du Code des procédures pénales tunisien. Une demande politiquement motivée, selon des opposants à l’actuel président Kais Saïed.
Rappelons que feu le président de la République Béji Caïd Essebsi est décédé dans la matinée du 25 juillet 2019, à l’âge de 92 ans, officiellement suite à un malaise cardiaque, à 5 mois de la fin de son mandat présidentiel, ce qui avait nécessité des élections anticipées. Il avait été admis la veille à l’Hôpital militaire de Tunis. La thèse d’un empoisonnement alimentaire avait un temps circulé, sans jamais avoir été prise au sérieux.
Habib Torkhani a expliqué que le procureur général a autorisé le procureur de la République près le Tribunal de première instance de Tunis à ouvrir une enquête dans le but de déterminer « les causes du décès », en vertu des dispositions de l’article 31 du Code des procédures pénales.
L’article 23 du code pénal tunisien stipule en effet que « Le secrétaire d’État à la justice peut dénoncer au Procureur Général de la République les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites qu’il juge opportunes ».
Par ailleurs l’article 31 du même code pénal stipule que « Le procureur de la République, en présence d’une plainte insuffisamment motivée ou insuffisamment justifiée, peut requérir du juge d’instruction qu’il soit provisoirement informé contre inconnu, et ce, jusqu’au moment où peuvent intervenir des inculpations ou, s’il y a lieu, de nouvelles réquisitions contre personne dénommée ».
Pour autant, ces considérations d’ordre technique ne convainquent pas l’actuelle opposition pour qui le Palais de Carthage « verse dans l’excès de zèle » et voudrait faire diversion en cette période de crise politique et sociale « pour déterrer une affaire montée en épingle, sur fond de complotisme et d’intrigues d’empoisonnement, un mode d’assassinat décidément obsession thématique récurrente du président Saïed ».
Au terme de son quinquennat, la cohabitation d’Essebsi avec l’ex chef du gouvernement Youssef Chahed mais aussi la majorité parlementaire islamiste d’Ennahdha avait alimenté toutes sortes de thèses d’élimination physique, malgré l’âge très avancé du défunt.
La famille Essebsi se félicite de la réouverture de l’enquête
Dans une publication sur les réseaux sociaux hier mercredi, Hafedh Caïd Essebsi, le fils de l’ancien président Essebsi, a publiquement salué l’ouverture d’une enquête au sujet du décès de son père.
« J’avais par le passé exprimé mes doutes quant aux circonstances suspectes du décès de mon père, en dépit de l’encadrement et les efforts fournis par le personnel médical civil et militaire », a-t-il affirmé le 29 décembre.
Considéré comme étant en fuite à Paris où il réside depuis qu’il fait l’objet de démarches douanières en Tunisie, Hafedh Caïd Essebsi a considéré que sa famille et le peuple tunisien avaient « le droit de connaître la vérité » derrière le décès de Béji Caïd Essebsi. Il a réitéré par la même occasion qu’il avait été forcé de quitter le territoire tunisien et menacé d’emprisonnement, selon lui pour dissimuler la vérité :
« Nous ne devons pas ignorer que l’ancien président avait refusé de promulguer le texte relatif à révision de la loi électorale et qu’il était subitement tombé malade trois mois avant les élections législatives et présidentielle, chose qui a résulté en de grands bouleversements de la situation politique en Tunisie », a-t-il avancé.
Resté dans les tiroirs de l’actuel président Saïed, ce projet d’amendement de la loi électorale est toutefois définitivement enterré depuis que Kais Saïed a annoncé son intention de refonte plus en profondeur de la totalité du système de gouvernance vers un régime présidentialiste.