La difficile perpétuation de la pratique de la calligraphie

 La difficile perpétuation de la pratique de la calligraphie

De l’Atlantique à l’Indus, l’art de la calligraphie peine à faire vivre ceux qui s’y adonnent.

Le 21 décembre, l’UNESCO a inscrit la calligraphie arabe au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. L’aboutissement d’une requête de 16 pays parmi lesquels l’Arabie saoudite, l’Irak, l’Égypte et le Maroc. Mais, dans la rue arabe, peu nombreux sont ceux qui arrivent à en vivre.

Quand il n’est pas sur les chantiers dans le nord de l’Irak, Jamal Hussein s’adonne à la calligraphie arabe. Un art qui ne nourrit plus son homme dans le monde contemporain, reconnaît-il.

« J’ai une famille nombreuse, je devais trouver un autre travail. Car, on ne peut pas vivre de cet art », dit à l’AFP le quinquagénaire, père de 11 enfants, installé dans la petite ville de Raniye, au Kurdistan irakien. Plusieurs jours par semaine, il travaille donc « dans la construction d’immeubles, et porte des parpaings », explique-t-il dans son modeste atelier à domicile.

« La fluidité de l’écriture arabe offre des possibilités infinies, les lettres peuvent être allongées et transformées de nombreuses façons, afin de créer différents motifs », explique l’UNESCO sur son site Internet.

La décision d’inscrire cet « art arabe islamique » au patrimoine de l’humanité ravit M. Hussein. Il espère qu’elle poussera « le gouvernement irakien et la région autonome du Kurdistan à adopter des mesures sérieuses pour soutenir la calligraphie – le Khat, en arabe – et ses artistes ».

 

Concurrence de la technologie

Initié dans les années 1980, ce Kurde irakien exhibe chez lui certificats et médailles — une quarantaine au total — attestant de sa participation à des concours. En octobre, il est arrivé deuxième lors d’une compétition en ligne en Égypte. M. Hussein s’entraîne désormais pour un concours en janvier dans la ville sainte irakienne de Najaf. Il lui arrive de vendre les créations de son calame (tige utilisée pour l’écriture calligraphique) pour des affiches, des devantures de boutiques, voire des stèles funéraires, reconnaît-il.

« Il n’y a aucun soutien du gouvernement, ni pour la calligraphie ni pour les autres arts », déplore le quinquagénaire. À « cause de la technologie, la sacralité de la calligraphie a baissé », regrette-t-il. La calligraphie « requiert plus de temps, plus d’efforts, elle coûte plus cher. Les gens vont vers une production technologique moins onéreuse ».

Des décennies durant, dans les rues du Caire, d’Amman, Beyrouth ou Casablanca, la calligraphie s’affichait aux devantures des magasins. Sur les murs, on pouvait lire des adages populaires. Les plaques en cuivre à l’entrée des immeubles en étaient parfois ornées pour signaler la présence d’un avocat ou d’un médecin.

 

La jeunesse multiculturelle reprend le calame

Aujourd’hui, les hipsters du monde arabe, nostalgiques et grands amateurs de cette esthétique vintage, sont nombreux à prendre en photos leurs trouvailles pour les partager sur les réseaux sociaux. Certains tentent même de remettre la calligraphie à la mode en la modernisant ou en l’associant à d’autres formes d’expression.

L’artiste tunisien Shoof s’est en emparé pour porter ses messages engagés. Le Franco-Marocain Tarek Benaoum en recouvre les murs de Paris. Quant au Franco-Tunisien Ramzi Saïbi, il renouvelle sans cesse ses supports : lumière, murs, toiles et même broderies.