Décès du dernier moine de Tibhirine dans un monastère marocain

 Décès du dernier moine de Tibhirine dans un monastère marocain

Sept des neuf moines du monastère de Tibhirine avaient été enlevés et assassinés pendant la guerre civile algérienne. Photo AFP

Le moine Jean-Pierre Schumacher est mort le 21 novembre au Maroc. Il était le dernier moine survivant du massacre de Tibhirine en Algérie en 1996. L’assassinat de la communauté religieuse pendant la guerre civile avait suscité une vague d’émotion internationale. L’enquête française avait été l’occasion d’un long feuilleton judiciaire et provoqué des tensions entre les deux pays.

Le moine trappiste est décédé dimanche 21 novembre 2021 à Midelt, dans l’Atlas marocain. Le frère Jean-Pierre Schumacher était l’un des deux moines ayant survécu à l’attaque du monastère de Tibhirine, le 26 mars 1996, durant la guerre civile algérienne. L’autre survivant, le frère Amédée, est mort en en 2008.

Les deux hommes ont échappé à l’enlèvement et à une mort certaine. Les ravisseurs ne cherchaient en effet que sept moines au lieu des neuf qu’ils étaient. Les têtes de leurs compagnons assassinés avaient été retrouvées dans un fossé deux mois après l’enlèvement, non loin du monastère.

Le père Schumacher « est décédé ce matin dans la sérénité au monastère Notre-Dame de l’Atlas, à Midelt », a déclaré à l’AFP le père Daniel Nourissat, vicaire de la Cathédrale Saint-Pierre de Rabat. Il en garde le souvenir d’un « homme simple et fraternel qui savait que sa mission était de témoigner de ce qu’il a vécu à Tibhirine ».

Originaire de Lorraine, fils d’une famille catholique ouvrière, devenu moine trappiste, Jean-Pierre Schumacher était arrivé à Tibhirine en 1964. L’évêque d’Alger lui avait confié la mission d’y construire une communauté implantée en milieu musulman, « vivant pauvre parmi les pauvres ».

 

Possible implication des services secrets algériens

Les circonstances de ce massacre restent à ce jour largement mystérieuses. La thèse officielle des autorités algériennes décrivaient un enlèvement puis un assassinat. Les islamistes du Groupe islamique armé (GIA) avaient revendiqué l’attentat et exigé sans succès un échange de prisonniers. Mais, des doutes subsistent sur la possible implication des services secrets militaires algériens.

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Alger ne supportait pas que les moines puissent soigner des rebelles blessés ou des membres de leurs familles. Selon le père Armand Veilleux, ancien procureur général des cisterciens, « la présence des moines de Tibhirine embarrassait singulièrement les chefs militaires et ils désiraient depuis longtemps leur départ ». D’où l’idée de l’enlèvement qui aurait été confiée à Zitouni, un islamiste devenu agent double de la Sécurité militaire algérienne (SM).

« L’intention de ceux qui avaient organisé cet enlèvement était de les faire “libérer” par l’armée dans les jours suivants », expliquait en janvier 2003 dans le journal Le Monde le père Veilleux. Mais, l’affaire aurait mal tourné.

 

« Un appel de Dieu à témoigner »

Quatre ans après le drame, Jean-Pierre Schumacher s’installait au Maroc où il est devenu le prieur d’une petite communauté cistercienne. Le pape François l’avait même rencontré lors de son voyage apostolique au Maroc en 2019. Ses sept compagnons martyrs de Tibhirine ont été béatifiés le 8 décembre 2019 lors d’une messe célébrée au sanctuaire de Santa Cruz à Oran.

« Il disait souvent que sa survie était un appel de Dieu à témoigner, chose qu’il a faite toute sa vie », a déclaré à l’AFP le père Daniel Nourissat, vicaire de la Cathédrale Saint-Pierre de Rabat.