Inquiétudes autour de la suppression des subventions aux produits de base en Algérie
La fin prochaine des subventions aux produits de base suscite des craintes en Algérie. Même si les économistes y sont tous favorables, des inquiétudes subsistent sur le système d’aides qui doit les remplacer.
L’Algérie a décidé la semaine dernière de renoncer à un système de subventions qui engloutit des milliards de dollars chaque année. Une mesure que la baisse continue des revenus des hydrocarbures a rendue nécessaire. Mais, l’État promet de continuer à soutenir les plus défavorisés, notamment avec des aides ciblées.
Les députés ont approuvé mercredi un article de la loi de finances pour 2022 ouvrant la voie à la suppression de ces subventions. Elles bénéficient jusqu’à présent à tous les ménages, indépendamment de leurs revenus. Le système sera remplacé par des mesures compensatoires ciblant les couches les plus modestes.
« C’est une catastrophe. Déjà qu’avec les prix actuels, nous avons du mal à joindre les deux bouts », s’inquiète Hafidha, mère de deux enfants, rencontrée par l’AFP au marché Réda Houhou au cœur d’Alger.
Chute de la rente pétrolière
Pendant des années, l’Algérie a pu maintenir la paix sociale en finançant son système d’aides grâce à rente pétrolière qui fournissait plus de 95 % de ses revenus extérieurs et environ 60 % du budget de l’État.
De nombreux produits de base sont en effet actuellement subventionnés grâce à cette manne. Du pain au carburant, en passant par le sucre, l’huile ou même certains matériaux de construction, les aides ont représenté jusqu’à 40 milliards de dollars certaines années. Le budget pour 2022 prévoit encore l’équivalent de 17 milliards de dollars de transferts sociaux. Y figurent notamment des mesures compensatoires et des aides à l’éducation, la santé, le logement et à la famille.
Avec la chute des cours, « l’État n’a plus les moyens d’une politique sociale aussi généreuse et indifférenciée », analyse pour l’économiste Omar Berkouk. « Tous les experts de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) ainsi que les économistes ont attiré l’attention sur la nécessité de les réduire en ciblant mieux les destinataires », rappelle-t-il.
Plus facile à dire qu’à faire
Comme pour la Tunisie en début d’année, le FMI a appelé en octobre Alger à « recalibrer » sa politique économique et mener des « réformes structurelles ». Contrairement à sa voisine, l’Algérie a finalement décidé de passer à l’action sur les subventions.
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« C’est l’ex-président défunt Abdelaziz Bouteflika qui a empêché toute action dans ce sens. Il avait en tête de briguer un cinquième mandat », explique M. Berkouk. Vice-président du parti Jil Jadid (nouvelle génération), Zoheir Rouis estime que la suppression des subventions ne doit pas être « une fin en soi, mais un levier supplémentaire pour optimiser davantage la dépense publique ».
Le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane a assuré devant les députés que le gouvernement n’entendait « nullement renoncer » au système des aides d’État. La réforme vise, a-t-il expliqué, à « orienter les fonds alloués vers les véritables ayants droit à travers un dispositif prévoyant un ciblage des plus nécessiteux ».
L’économiste Berkouk s’est dit préoccupé de la façon dont seront calculées et attribuées les compensations. Compte tenu « de la sphère économique informelle, de l’absence de déclarations de revenus et de patrimoine, il est difficile de bien recenser les personnes qui en ont besoin », a-t-il mis en garde. Les pauvres « se voient bien dans la rue, mais il n’y a pas d’outils statistiques pour les identifier », a-t-il ajouté.