Un « accord tacite » d’expulsion des migrants tunisiens en France ?

 Un « accord tacite » d’expulsion des migrants tunisiens en France ?

Situé à 15 kilomètres à l’est de Tabarka, l’Aéroport international de Tabarka-Aïn Draham a été mis en exploitation en 1992 mais a connu plusieurs années d’inactivité avant que des vols charter n’y reprennent en 2020

Le porte-parole du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), Romdhane Ben Amor, a fait part de ses craintes s’agissant de l’existence d’un « accord secret » conclu entre la Tunisie et la France dans le but d’accélérer le processus d’expulsion des migrants tunisiens en situation irrégulière. Pour le Forum, « cela constituerait une atteinte flagrante à leurs droits ».

Dès le 5 novembre dernier, nous attirions l’attention sur les déclarations en ce sens d’abord passées inaperçues du porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, sur la chaîne Cnews. C’est à cette déclaration médiatique faite de façon contingente que fait référence Ben Amor. Attal y fait allusion au fait que contrairement à l’Algérie et au Maroc, la Tunisie aurait « coopéré de façon satisfaisante » avec la France de sorte d’accélérer les procédures d’expulsion de ses propres ressortissants en situation irrégulière, contrairement à l’Algérie et au Maroc qui auraient refusé une telle collaboration.

Côté autorité tunisiennes, c’est l’omerta dans la Tunisie post coup de force de Kais Saïed où le nouveau pouvoir s’emploie par ailleurs à se donner une image de souverainisme et de défiance à l’égard des chancelleries occidentales réfractaires au virage autoritaire en cours dans le pays. Seule info mise en avant après avoir filtré depuis Tabarka, l’un des migrants expulsés serait recherché en Tunisie, suspecté d’appartenance à un groupe terroriste.

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Via le FTDES, c’est donc la société civile qui s’empare de ce dossier aux allures d’affaire d’Etat. D’après Romdhane Ben Amor, cette précipitation sans précédent dans le traitement des procédures d’expulsion ne permet pas aux migrants de prendre les mesures juridiques nécessaires. « Ainsi expédiés, ces cas n’offrent aucune chance aux intéressés d’exercer leur droit de recours contre lesdites décisions d’expulsion […] nous considérons cela comme un traitement inéquitable. Cela constitue une violation des droits les plus élémentaires des migrants irréguliers ».

 

Une « dérive malsaine et opaque »

Le militant associatif poursuit : « C’est une dangereuse dérive en matière de coopération entre la France et la Tunisie dans le domaine de la migration ». Il précise à ce titre que la France est entrée dans une nouvelle phase dans le processus d’expulsion des migrants tunisiens en situation irrégulière dans la mesure où elle a assuré leur transport aérien vers l’aéroport de Tabarka, réquisitionné à cet effet, le tout sous un contrôle sécuritaire très strict.

« C’est ce que nous avons constaté lors d’une récente opération d’expulsion d’environ 40 à 50 migrants effectuée il y a une semaine ». Ben Amor considère ainsi que les opérations d’expulsion en avion et sous surveillance sécuritaire vers l’aéroport de Tabarka vise à mettre en œuvre ce processus loin des regards indiscrets, des médias et de la société civile.

« La Tunisie s’entête dans son mutisme et n’a pas fourni des données ou des chiffres pour éclairer l’opinion publique sur ce dossier », déplore-t-il.

Le porte-parole du FTDES révèle en outre que selon des données recueillies auprès de sources françaises officielles informées « la France a l’intention d’expulser plus de 3.400 migrants tunisiens en situation irrégulière ». Une politique du chiffre, vraisemblablement destinée à servir d’argument dans le futur débat opposant Emmanuel Macron à ses principaux adversaires dans la présidentielle de 2022.