La jeunesse africaine interpelle vivement Emmanuel Macron au sommet de Montpellier
Face au président français, de jeunes Africains ont exprimé sans fard vendredi leurs attentes et frustrations sur la démocratie et la relation avec la France. Emmanuel Macron était ainsi le seul chef d’État présent lors de ce sommet Afrique-France d’un format inédit. Contrairement aux 27 éditions précédentes, Paris n’a invité aucun président ou chef de gouvernement africain. Lui préférant la jeunesse et la société civile du continent.
Arrivé en fin de matinée, Emmanuel Macron, hôte et unique président de ce sommet sans chefs d’Etat, est passé de table ronde en table ronde écouter la jeunesse africaine. Sur le stand consacré aux restitutions d’œuvres pillées, le chef de l’État a annoncé que la France redonnerait fin octobre au Bénin 26 œuvres d’art provenant du « Trésor de Béhanzin ». Elles avaient été emportées en France après le pillage du palais d’Abomey en 1892 par les troupes coloniales.
Lors de sa déambulation, le président a été l’objet de plusieurs interpellations. « Je n’en peux plus de voir la jeunesse africaine mourir dans la mer » Méditerranée pour gagner l’Europe, lui a lancé une femme. Un jeune Guinéen l’a ensuite exhorté à « soutenir la transition guinéenne » après le putsch qui a renversé le président Alpha Condé en septembre. M. Macron a en réponse estimé que « le troisième mandat n’était pas opportun ».
Les jeunes veulent une nouvelle relation avec la France
Ce sommet Afrique-France a voulu donner la parole à la société civile. Pour la première fois depuis 1973, il excluait les chefs d’États africains. Une première qui intervient dans un contexte de tensions entre plusieurs Paris capitales et plusieurs capitales africaines comme Alger ou Bamako.
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Les jeunes invités venaient, eux, de toute l’Afrique francophone : du Maroc au Congo, en passant par le Mali. Ils n’ont pas mâché leurs mots face au président français. Les interventions concernant l’héritage colonial, la politique des visas ou l’aide au développement notamment ont été très commentées.
« Nous avons l’espoir que Montpellier soit un nouveau départ. Qu’on écoute le terrain africain, la jeunesse africaine. Elle a des choses à dire au monde et à la France », a lancé Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute.
Évoquant la décision récente de Paris de réduire drastiquement le nombre de visas pour les Algériens, les Marocains et les Tunisiens, Mehdi Alioua, professeur de Sciences politiques à Rabat, a déploré une « punition collective ». L’universitaire marocain a dénoncé la politique des visas comme un « système d’humiliation (et) de vexation », sous les applaudissements de l’assistance.
La question de la mobilité reste en effet une préoccupation très importante de la jeunesse africaine. Celle-ci attend toujours la concrétisation des promesses du président Emmanuel Macron, quatre ans après son discours de Ouagadougou.
Des attentes importantes
« Nous sommes coincés entre un discours condescendant occidental qui veut éduquer les Africains et un discours de nos gouvernements affirmant que les Occidentaux veulent imposer leurs valeurs », a déploré une jeune étudiante de l’université Aix-Marseille, Habiba Issa Moussa, d’origine nigérienne.
« Les questions essentielles ici, ce n’est pas l’entrepreneuriat ou le sport, c’est la politique! » a lancé pour sa part la Burkinabè Sibila Saminatou Ouedraogo, fustigeant « la relation de dépendance » de l’Afrique à la France.
Dans l’après-midi, le président Macron débattait avec un panel de douze jeunes Africaines, sélectionnées à l’issue des dialogues menés pendant des mois à travers le continent par l’intellectuel camerounais Achille Mbembe, chargé de préparer le sommet.
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« J’aimerais vraiment y croire », a déclaré à l’AFP David Maenda Kithoko, réfugié politique de RDC en France. Mais, « j’ai beaucoup de doutes. Concernant la relation entre la France et l’Afrique, il y a beaucoup de grands mots d’une part, et un manque de courage de l’autre », a déploré le jeune militant.
Avant même le début du sommet d’Achille Mbembe avait cependant formulé plusieurs propositions. Emmanuel Macron pourrait en reprendre certaines à l’issue des échanges. Parmi elles, la création d’un Fonds destiné à soutenir les initiatives de promotion de la démocratie, des programmes permettant une plus grande mobilité étudiante Ou encore la mise en place d’un « forum euroafricain sur les migrations ».