Tunisie. La Banque centrale préoccupée par l’état des finances publiques

 Tunisie. La Banque centrale préoccupée par l’état des finances publiques

La Banque centrale de Tunisie (BCT) s’est déclarée mercredi « profondément préoccupée par le tarissement aigu des ressources financières extérieures, face aux besoins importants pour boucler le budget de l’Etat pour l’année 2021 ».

La BCT était restée silencieuse depuis le coup de force du président de la République Kais Saïed le 25 juillet dernier. Durant la première semaine de ces mesures exceptionnelles, le gouverneur de la Banque centrale, Marouane Abassi, avait été reçu début août au Palais de Carthage, ce qui avait alimenté les rumeurs de sa désignation à la tête d’un nouveau gouvernement, malgré les démentis de l’intéressé.

Or, le 22 septembre dernier, dans le décret présidentiel 117, qui suspendait de fait la majeure partie de la Constitution, le chef de l’Etat s’octroyait notamment des attributions relevant en temps normal du domaine de souveraineté de la Banque centrale, telles que le contrôle du régime d’émission de la monnaie, mentionné dans l’article 5 du chapitre 2.

La sortie médiatique de la BCT aujourd’hui est-elle motivée par cette ingérence même provisoire ? Il y a lieu de le penser, même si le communiqué de la Banque soulève objectivement un problème préexistant au 25 juillet mais aggravé par le surplus d’instabilité politique que traverse le pays depuis maintenant plus de deux mois.

 

Profonde inquiétude

La BCT voit dans l’état historiquement bas des finances publiques la manifestation des « craintes des bailleurs de fonds internationaux au vu de la détérioration de la notation souveraine de la Tunisie et l’absence d’un nouveau programme avec le FMI ».

Elle tire en outre la sonnette d’alarme quant à « la dégradation des finances publiques, qui pâtissent de leur situation vulnérable, ainsi que la hausse des cours internationaux du pétrole », qui « sont de nature à compromettre la soutenabilité de la dette publique, outre les effets négatifs de l’accroissement de l’endettement du secteur public auprès du système bancaire sur sa capacité à financer les opérateurs économiques ».

La BCT estime que la persistance de cette situation aura des répercussions très néfastes sur les équilibres extérieurs ainsi que sur le marché des changes, même si le cours du dinar tunisien face à l’euro et au dollar US demeure pour l’instant inchangé depuis cet été.

Dans son rôle, la Banque réitère donc ses profondes préoccupations face à la situation financière actuelle qu’elle qualifie de critique, soulignant « la nécessité d’accélérer la transmission des signaux clairs aux investisseurs locaux et étrangers quant au rétablissement du rythme de l’activité économique et des équilibres globaux et financiers, la consolidation de la gouvernance du secteur public, l’amélioration du climat des affaires et l’intensification des efforts d’investissement. »

Plus loin, on peut lire que le Conseil de la BCT souhaite « éviter le financement monétaire eu égard à ses répercussions  aussi bien sur le niveau de l’inflation que  sur les réserves en devises » : en clair, la BCT refuse de recourir à la planche à billets.

D’aucuns craignent que le profil essentiellement académique de l’universitaire géologue Najla Bouden, inexpérimentée s’agissant de la gestion de crise et des dossiers économiques, ne soit un frein à une reprise rapide que la BCT appelle de ses vœux.

La dette publique de la Tunisie s’est élevée à 10,2 milliards de dinars en août 2021, contre 7,6 milliards pour la même période de l’année précédente, sachant que le pays doit rembourser d’ici la fin de l’année 2021 près de 2.8 milliards de dinars.