Tunisie. Vaccins surdosés administrés à des enfants: un scandale sanitaire

 Tunisie. Vaccins surdosés administrés à des enfants: un scandale sanitaire

Les autorités sanitaires ont beau se montrer rassurantes, la vaccination d’au moins 80 adolescents âgés de 15 à 17 ans par des vaccins Pfeizer fortement concentré met dans l’embarras les responsables et soulève la question du surmenage des troupes engendré par la politique des journées de vaccination massive anti Covid-19 pour lesquelles a opté le nouvel exécutif en Tunisie. 

Le ministère de la Santé, placé par Carthage sous la direction de l’officier militaire Ali Mrabet depuis le 6 août dernier, a instillé la culture du chiffre et de la performance, avec succès jusqu’ici. Mais cette doctrine volontariste présente un coût humain et un risque d’erreur humaine plus élevé.

Ainsi les autorités régionales de la Santé dans le sud du pays tentent depuis quelques jours d’étouffer cette affaire, en vain. Le fait qu’elle ait été ébruitée par des médias locaux le weekend dernier, une semaine après les faits, a sans doute conduit le ministère à publier un communiqué laconique le 6 septembre, reconnaissant les faits.

On peut y lire que 62 enfants (un chiffre qui est parti de 61 pour s’établir par la suite à 78, puis à 79) ont fait l’objet d’un surdosage, sans en mentionner l’ampleur. Puis en 5 points, l’autorité de tutelle explique que les patients se portent bien et qu’aucun d’entre eux n’aurait présenté des effets secondaires graves ou méconnus, notant que « le Centre national de pharmacovigilance (CNPV) suit de près la situation ».

Si l’on peut lire que « les personnes concernées ont été placées sous surveillance médicale », et que « les mesures nécessaires avaient été prises afin d’éviter à l’avenir que ne se produisent des incidents similaires », il n’est fait aucune mention de sanctions prises à l’encontre des fautifs.

 

Qu’en est-il réellement des risques encourus par le surdosage ?

Membre du Comité scientifique de lutte contre le coronavirus et directeur général du Centre national de pharmacovigilance, Riadh Daghfous, interrogé à ce sujet, a bien confirmé que 79 enfants des gouvernorats de Kébili et de Gafsa, âgés de 15 à 17 ans, ont reçu des doses concentrées de vaccination type ARN messager Pfizer au cours de la troisième journée nationale de vaccination intensive, dimanche 29 août 2021. « Ces prises ne présentent quasiment aucun danger pour leur santé », tente-t-il de rassurer.

Or, à travers un récent savoir anecdotique acquis par la science, nous savons que les choses ne sont pas aussi simples. Ainsi en mai 2021 notamment, une Italienne de 23 ans a reçu par erreur quatre doses de vaccin Pfizer-BioNTech contre le Covid-19 le 9 mai dernier.

Cette stagiaire en psychologie clinique avait reçu une injection non diluée par l’infirmière. Dans le Corriere della Sera, la mère de l’étudiante décrit « des effets secondaires surprenants », confirmés par un célèbre virologue et professeur de l’Université de Milan, Fabrizio Pregliasco. La jeune femme, qui a menacé de porter plainte, souffre de violents maux de tête, aurait le bras enflé et serait totalement déshydratée alors qu’elle boit jusqu’à quatre litres d’eau par jour.

On sait par ailleurs que Pfeizer n’a pas annoncé de tests cliniques relatifs à un surdosage supérieur à 4 fois la dose prescrite, et que selon les virologues, la protection du vaccin serait annulée par un tel surdosage, d’où la nécessité de replanifier le vaccin.

>> Lire aussi : La Tunisie franchit la barre des 5 millions de vaccinés

Pour Daghfous, « le doublement de la quantité de la solution peut provoquer dans certains cas une allergie, notamment une éruption cutanée ou des évanouissements ». Concernant le cas de l’espèce en Tunisie, les effets secondaires apparus sur les ados touchés par cette erreur, seraient pour l’instant « de la fièvre, de la fatigue, ainsi que des douleurs articulaires et au niveau de la cage thoracique »… « Des effets secondaires normaux et bien connus qui accompagnent souvent la vaccination anti-Coronavirus dans les trois premiers jours post vaccination », tente encore de minimiser le responsable sanitaire.

Daghfous indique enfin qu’une correspondance a été adressé aux laboratoires Pfizer concernant la vaccination ou non des enfants concernés avec une deuxième dose de la vaccination Pfizer. Mais face à l’ampleur de la bévue médicale, la polémique ne s’estompe pas.

Dans la délégation de Souk al-Ahad, plusieurs parents ont affirmé hier 7 septembre leur l’intention de se concerter en vue de déposer une plainte collective auprès du délégué de la protection de l’enfance et du Tribunal de première instance de Kébili contre Centre de vaccination de l’Institut Ibn Al-Haytham entre autres responsables étatiques.

Au moment où l’Etat, sous l’égide de la présidence de la République qui en a fait un enjeu national et politique, annonce l’organisation d’une 5ème journée nationale de vaccination intensive samedi prochain 11 septembre et encourage à la vaccination des plus jeunes, l’incident fait tache d’huile. Lors de la 4ème journée de vaccination type portes ouvertes, moins de la moitié des personnes convoquées s’étaient présenté au rendez-vous.

6 millions de Tunisiens ont été vaccinés à ce jour, soit près de la moitié de la population totale.