Passionnée par la création africaine, la Franco-Marocaine Amina Eltmali a décidé, durant le confinement, de créer une plateforme pour contribuer à la préservation de l’artisanat made in Africa. Africa-eshopping regroupe ainsi l’ensemble des créateurs et artisans du continent africain et de sa diaspora, et propose toutes sortes de confections, allant des tenues traditionnelles aux cosmétiques naturels, en passant par des bijoux, des accessoires de mode, des babouches, des tapis berbères, de la décoration… le tout fabriqué de manière artisanale sur le continent ou avec des matières artisanales venant d’Afrique. L’idée est de donner plus de visibilité à l’artisanat made in Africa. Entretien avec Amina Eltmali.
LCDA : D’où vous est venue l’idée de créer Africa-eshopping ?
– Je dois avouer que ce souci de participer à la sauvegarde de l’artisanat est né pendant le confinement. Je travaille sur le projet d’une plateforme dédiée aux produits africains depuis 2019, mais mon premier site n’a pas abouti. Le confinement a réveillé en moi ce souci de vouloir participer à la sauvegarde de l’artisanat et d’être utile à la préservation et à la valorisation de ce secteur d’activité qui est en train de mourir à petit feu, du fait du contexte sanitaire notamment au Maroc. En faisant mes recherches pour différentes émissions sur la mode africaine et sur la création en générale depuis 2009, j’ai découvert à quel point la création africaine est riche et ancestrale, et particulièrement celle du Maroc. Et c’est en voulant participer à la sauvegarde de l’artisanat marocain que j’ai souhaité étendre cette action à l’ensemble du continent. La plateforme propose des produits africains, quelque soit l’origine du produit, du moment que les matières sont artisanales et/ou que les produits sont confectionnés par des artisans en Afrique.
En quoi est-il important pour vous de promouvoir l’artisanat africain ?
– Cela doit être dû à mes origines marocaine (Berbère du sud du Maroc), et africaine, mais aussi du fait que j’ai grandi et évolué, tant sur le plan personnel que professionnel, dans un environnement africain. J’ai passé huit années en Afrique de l’ouest, qui n’ont fait que confirmer la passion particulière que je voue à ce continent depuis très jeune, ainsi que mon goût prononcé pour la création africaine et l’artisanat, en particulier l’artisanat du Maroc. Il s’agit de notre identité et de la préservation de notre patrimoine commun à tous, qu’on soit africain ou originaire d’Afrique… De plus, j’avais déjà créé mon association Yes we African dans ce sens-là, donc cela n’a été que la suite logique du processus.
Quelles sont les actions que vous entreprenez au sein de votre association Yes we African ?
– Notre but est de mettre en en place des événements, des plaidoyers et de proposer du soutien (matériel, financier, humain…), afin de promouvoir les savoir-faire africains auprès du grand public et des décideurs. Pour le moment, nous menons essentiellement des actions de plaidoyers auprès des décideurs en Afrique. Il est également prévu de mettre en place des dons aux artisans et aux coopératives, mais compte tenu du contexte sanitaire et de la jeunesse de l’association, rien n’a encore été fait dans ce sens. Actuellement, nous tentons de faire reconnaître les savoir-faire des tissus africains comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité auprès de l’Unesco. Cela passe par des actions de sensibilisation avec les ministres de l’Artisanat des pays africains. Pour le moment, nous ciblons essentiellement l’Afrique de l’ouest francophone. Nous avons écrit au gouvernement de la Côte d’Ivoire, le reste va suivre dans les prochaines semaines…
Êtes-vous optimiste au regard de l’artisanat africain, notamment marocain, malgré la crise sanitaire ?
– Je dois avouer que si j’étais optimiste pour la conservation de l’artisanat en Afrique, je ne serais pas venue en pleine pandémie prendre des risques pour participer à cet élan marocain. Car il existe bien un élan au Maroc, grâce à Dieu… Le ministère de l’Artisanat marocain a pris des mesures dans ce sens, que l’on se doit de saluer (campagne art-is-ana, aides, etc). Il y a également des initiatives privées qui naissent (association 1001 artisans, Barok babouches…). Le Maroc a une longue tradition de conservation de son artisanat, donc pour ce qui est du cas du Maroc, je suis optimiste. Pour le reste de l’Afrique, en général, je dirais que je suis plutôt pessimiste, mais nous avons tout de même de l’espoir. D’un autre côté, concernant le Maroc, j’ai constaté, en échangeant depuis plus de 5 mois déjà avec bon nombre de commerçants et artisans du souk de Marrakech, que très peu d’entre eux sont à même de vendre et promouvoir leurs produits via les réseaux sociaux et sur les plateformes de vente (Etsy,
africa-eshopping.com, etc). Je pense qu’il est urgent de mettre à la disposition de ces artisans et commerçants des sessions de formation pour les aider à se digitaliser, car l’avenir de l’artisanat passera nécessairement par la digitalisation des produits artisanaux…