Tunisie : Limogeage de 5 ministres et aggravation de la crise politique
Le chef du gouvernement Hichem Mechichi a décidé aujourd’hui lundi 15 février de démettre de leurs fonctions cinq ministres concernés par un précédent remaniement et de charger cinq autres en exercice d’assurer l’intérim de ces départements, en attendant un hypothétique parachèvement des procédures relatives à la prestation de serment. Un jeu des chaises musicales annonciateur d’une fuite en avant dans la crise politique opposant la Kasbah à Carthage.
Il s’agit du ministre de la Justice, Mohamed Boussetta, de la ministre de l’Industrie, de l’Energie, et des Mines, Saloua Sghaier, du ministre de la Jeunesse, des Sports et de l’Intégration professionnelle, Kamel Deguiche, de la ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, Leila Jaffel, et de la ministre de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche Akisa Bahri.
La gestion intérimaire de ces départements a été confiée à Hasna Ben Slimane, ex membre de l’ISIE et ex ministre chargée de la Fonction publique qui prend la tête du ministère de la Justice, Mohamed Boussaid, ex ministre du Commerce et du Développement des exportations qui devient ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines, Ahmed Adhoum, ex ministre des Affaires religieuses qui prend la tête du ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières. Enfin le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche sera désormais dirigé par Mohamed Fadhel Kraiem, ex ministre des Technologies de la communication et de la Transformation numérique, et le ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Insertion professionnelle sera quant à lui dirigé par Sihem Ayadi, ex secrétaire d’Etat au même ministère.
Un faux apaisement
Dans son laconique communiqué publié lundi, la présidence du gouvernement affirme qu’elle reste cependant « ouverte à toutes les solutions propres à dépasser le blocage en cours et permettre aux ministres de prendre leurs fonctions dans le respect de la Constitution ».
Mais nul n’est dupe face à ce qui s’apparente davantage à une escalade. Le président de la République Kais Saïed s’était pour rappel opposé à la prestation de serment de ministres ayant récemment obtenu la confiance du Parlement. Des ministres qui remplacent ce qui lui restait de ministres réputés proches du Palais de Carthage dans le gouvernement Mechichi qui se trouve donc totalement purgé aujourd’hui de toute influence présidentielle.
La manœuvre politicienne n’est pas sans rappeler le limogeage de type politique de la terre brûlée opéré l’an dernier par l’ancien chef du gouvernement Elyes Fakhfakh. Il avait en effet évincé 7 ministres d’Ennahdha sans autre motif que celui de leur manque de solidarité gouvernementale à quelques jours de sa propre éviction. En cela ce « remaniement dans le remaniement » constitue une nette revanche du parti islamiste et ses nouveaux alliés.
Pour autant, la posture tout aussi politicienne du blocage adoptée par la présidence de la République ne semble pas tenable. De l’avis de nombreux constitutionnalistes, présider à la prestation de serment constitue une « compétence liée », contraignante, que Kais Saïed ne peut légalement refuser d’exercer, au risque de créer un dangereux précédent institutionnel.
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