Le président Kais Saïed se défend de tout antisémitisme

 Le président Kais Saïed se défend de tout antisémitisme

Publié par la page officielle de la présidence de la République, un long texte énumère de prétendues preuves du non racisme anti juif de Kais Saïed. Le président y répond à une polémique née d’un malentendu sur l’utilisation du mot « juifs » suite à ce qui semble être un lapsus ou une confusion phonétique à propos des casseurs en marge des récentes émeutes de nuit.   

« Le président de la République fait la distinction entre judaïsme et sionisme », peut-on y lire. « Pour rappel, le président avait invité le grand-rabbin de Tunisie lors de sa cérémonie d’investiture ». « Pour rappel également, le président a visité la synagogue de la Ghriba où il a rencontré des citoyens juifs tunisiens ».

Mieux, la page explique par ailleurs que « le président fut parmi les premiers à présenter ses condoléances à la famille de Gilbert Naccache en se rendant personnellement au domicile du défunt ». Un militant historique dont on souligne ainsi paradoxalement la judéité qui le définirait, lui qui de son vivant se moquait éperdument de cet aspect.

Décidément bavard, le texte poursuit en relatant une conversation téléphonique du président avec le grand-rabbin à ce sujet. Il conclut en employant un grand classique cher à la rhétorique de Kais Saïed qui aime à pointer du doigt ce qu’elle appelle « les menteurs, les scélérats, et les calomniateurs » qui le diffameraient en permanence. A elle seule, cette tendance discursive accusatoire mérite que l’on s’y attarde, tant elle révèle un mode de pensée manichéen et une conception bigote de la vérité une et absolue.

Virtue signalling (signalement de la vertu)

« Je ne suis pas raciste, la preuve, j’ai un ami arabe, noir, etc. ». Maladroite, la formule prête toujours à sourire.

En quoi est-elle humoristique ? Elle infirme ce qu’elle feint d’affirmer, en faisant preuve de déterminisme racial à l’intérieur même d’une phrase supposée à décharge pour son auteur. C’est pourtant précisément le mode de défense et d’argumentation primitif pour lequel opte ici la présidence de la République.

Une fois de plus, ce qui aurait pu passer inaperçu est monté en épingle sur un mode combatif et rancunier qui confine à la communication associative de l’indignation permanente. En répondant du tac au tac à la toxicité des réseaux sociaux, l’organe de communication de la présidence démontre en réalité une méconnaissance du numérique et de l’appréciation de l’ampleur de telle ou telle controverse, là où un droit de réponse au Jerusalem Post aurait pu suffire.

Cela fait plusieurs mois que depuis le départ de la chargée de communication du Palais, Rachida Ennaifer, poste resté vacant, la communication présidentielle souvent cacophonique est manifestement désormais en roue libre.

Plus généralement, dans la crise de cohabitation qui l’oppose au chef di gouvernement, le chef de l’Etat tend à vouloir faire ce qu’il pense savoir faire de mieux : aller au contact du peuple.

Que ce soit en allant au chevet des grévistes de la faim au ministère de l’Enseignement supérieur, ou plus récemment dans le cas de l’espèce où il a choisi de se rendre dans son quartier d’origine de la Mnihla pour haranguer les locaux et les enjoindre à ne pas se livrer au vandalisme nocturne, la politique présidentielle est celle du parti pris d’un leadership de type altermondialiste.

Mais à se proclamer systématiquement empathique vis-à-vis des luttes des plus démunis, la présidence verse parfois dans un populisme caricatural qui agace jusque dans les rangs des inconditionnels pro Kais Saïed, à vouloir surfer sur tous les maux lorsque l’on est soi-même au pouvoir.

« La parole est d’argent, mais le silence est d’or ». Cet adage, qui trouve d’ailleurs son origine dans le Talmud, pourrait inspirer davantage la communication de crise des services com’ de Carthage, si tant est qu’ils existent.