En Tunisie, l’énième appel de détresse des cafetiers
A mesure que le couvre-feu sanitaire s’installe dans la durée en Tunisie, les cafetiers multiplient les appels en direction des autorités publiques pour un traitement égalitaire avec leurs homologues restaurateurs. En attendant un assouplissement des horaires qui tarde à venir, un subtil jeu de cache-cache s’installe la nuit dans la capitale.
La Chambre syndicale des propriétaires de cafés a réitéré son appel le 1er décembre à retarder l’heure de fermeture des cafés à celle du début du couvre-feu (20h00 en cours de semaine et 19h00, le samedi et le dimanche), à l’instar de bien d’autres activités économiques autorisées à le faire, tout en respectant les taux d’occupation réduits et les protocoles sanitaires en vigueur.
Lors d’une réunion tenue au siège de l’UTICA, en présence des représentants de son bureau exécutif, la centrale patronale a par ailleurs demandé le report des échéances de paiement de factures de PME de ce secteur, ainsi que l’instauration d’une indemnisation relative aux pertes cumulées par les propriétaires de cafés, en se référant aux chiffres d’affaires de l’année dernière.
Les représentants du secteur des cafés qui figure parmi les secteurs les plus touchés par la pandémie ont aussi revendiqué la mise en place de facilités pour les professionnels pour bénéficier de crédits bancaires avec une garantie de l’Etat. En somme un traitement à l’image de ce qui se fait dans la plupart des pays occidentaux, de sorte de sauver des milliers d’emplois en péril quand ils ne sont pas d’ores et déjà perdus.
Un manège quotidien à la tombée de la nuit
En allant enquêter cette semaine à Tunis, on s’aperçoit rapidement que la situation sur le terrain est en réalité bien plus nuancée que la théorique observance de la limite d’une fermeture à 16h00. Dans certains quartiers huppés, il n’est pas rare en effet qu’à l’approche de stores baissés ou de portes fermées, celles-ci s’ouvrent soudain comme par magie, laissant des clients s’introduire discrètement, à l’abri des regards des patrouilles de police.
Une fois à l’intérieur, éclairage minimaliste, c’est business as usual : cafés, boissons, et même narguilés sont servis comme au temps du « monde d’avant », jusqu’à 21h, soit une heure après le début du couvre-feu. Un horaire encore plus tardif est pratiqué dans les quartiers chauds réputés pour être impénétrables par les forces de l’ordre.
« Cela a pour avantage de pimenter nos soirées ! », confesse un client qui reconnaît que le soir, les riverains de la Cité Ennasr dans l’Ariana se sont adaptés à ce jeu du chat et la souris. Un goût d’interdit non sans risques sanitaires, mais qui est à l’origine de l’émergence de ce nouveau monde de la nuit post-covid.
« Et toi, est-ce que tu sors après le couvre-feu ? », demande un autre client avec une pointe de défiance envers son voisin. On nous explique ainsi que depuis qu’il n’y a plus âme qui vive la nuit, de petits rassemblements improvisés ont lieu un peu partout, y compris en bord de mer, « pour fumer, boire, et désormais s’inventer son propre kif », en l’absence de bars et d’établissements ouverts.
Les patrons du secteur ne sont pas les seuls à s’activer. L’Union générale tunisienne du Travail, (UGTT) a de son côté proposé une initiative adressée au président de la République Kais Saïed, en vue de mettre en place un comité des sages chargé de superviser un dialogue national autour de réformes économiques et sociales nécessaires à une sortie de crise. Il s’agira tout du moins de penser une rupture avec un statu quo qui asphyxie l’économie du pays largement basée sur les services.