Le Moyen-Orient à la lumière de l’élection de Joe Biden
S’il y a une région du monde qui a suivi avec beaucoup d’inquiétude les résultats des élections présidentielles américaines, c’est bien le Moyen-Orient. Bien que la victoire de Joe Biden soit contestée actuellement par Donald Trump, le monde s’est fait à l’idée d’un Joe Biden à la Maison Blanche, le 20 janvier 2021. Quelles conséquences alors sur la scène moyen-orientale ?
Les observateurs avertis s’accordent à dire que Joe Biden apportera un nouveau style, un ton nuancé et une méthode en rupture avec son prédécesseur, mais ne sera pas à contre sens de la politique engagée par Washington. Ayant quarante ans de métier dans la politique à son actif, Joe Biden a été président de la commission des Affaires étrangères au Sénat et dispose ainsi d’une connaissance approfondie des questions internationales. De plus, il a aiguisé ses armes pendant les huit années en tant que vice-président aux côtés de Barack Obama.
S’agissant de sa politique dans la région du Moyen-Orient, elle s’inscrira dans la continuité avec un changement dans le style et l’approche. Il y a lieu de rappeler que les Etats-Unis d’Amérique ont renforcé leur présence militaire au Moyen-Orient sur les dernières années. Ils sont en Syrie, au Qatar, en Irak, en Arabie saoudite, au Koweït, aux Emirats arabes unis et à Bahreïn. Le « Central Command », centre de commandement opérationnel du Pentagone pour le Moyen-Orient, se trouve au Qatar.
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Un Iran sans nucléaire
L’Iran connaîtra également en 2021, le changement de son président. En effet, Hassan Rohani, élu à deux reprises en 2013 et 2017, devra céder sa place à un nouveau président dans un contexte de haute tension intérieure en Iran. Les spécialistes de la région ne s’attendent pas à un changement au niveau de la stratégie d’affaiblissement de l’influence de l’Iran dans la région, qui va continuer. Cependant, Joe Biden remettra en surface l’accord nucléaire qui était considéré par son administration quand il était aux commandes comme le cadre optimal permettant « d’éviter la bombe nucléaire tout en évitant de bombarder l’Iran ». Il aura entre les mains l’arsenal des sanctions pour obtenir l’amélioration des dispositions de cet accord. Il faut reconnaître que Trump lui a facilité la tâche d’une telle négociation.
L’éternel allié saoudien
Joe Biden apporterait son soutien au régime saoudien en place, compte tenu de la position stratégique de ce vieux allié dans la région, des débouchés commerciaux pour l’industrie américaine, notamment de l’armement, la gestion des quotas de la production du pétrole et son soutien pour la normalisation avec Israël. Cependant, sur le registre des droits de l’Homme, la nouvelle administration aura une posture plus regardante.
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Elargissement des relations avec les Emirats arabes unis
Suite à l’embargo américain sur le pétrole iranien, il y a eu une convergence totale entre les EAU et Riyad pour augmenter la production de pétrole afin de combler les deux millions barils/jour de l’Iran. Ils continueront à contrer l’islam politique dans la région et notamment vis-à-vis des actions menées par la Turquie et le Qatar. Il y a quelques mois, les EAU ont normalisé leurs relations avec Israël, en contrepartie de l’achat des avions américains furtifs F-35 faisant partie de la technologie de cinquième génération. Seul Israël dispose de tels avions dans la région.
Alliance privilégiée avec Israël et rétablissement du dialogue avec l’Autorité palestinienne
Pendant sa campagne électorale, Joe Biden a déclaré qu’il ne remettrait pas en cause le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem. Cependant, dans un esprit de rééquilibrage, il est envisagé la réouverture d’un consulat américain à Jérusalem-Est pour rétablir les passerelles de dialogue avec les Palestiniens. L’élection de Joe Biden a fait renaître une lueur d’espoir chez les responsables et les populations palestiniennes. Lui qui déclarait avant son élection que le peuple palestinien a aussi droit à son Etat, nous verrons dans les mois à venir si cette promesse sera tenue.
En conclusion, Joe Biden travaillera sur le long terme évitant les décisions imprévisibles et à chaud. La quasi-majorité des électeurs américains sont loin des préoccupations de politique internationale, laquelle est façonnée depuis des décennies par le département d’Etat et le Pentagone. Dans ce sens, il ne faut pas s’attendre à des changements fondamentaux des grandes orientations stratégiques.
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