Couvre-feu : la colère des intermittents du spectacle en Tunisie
Plus vulnérables face à l’interruption de la vie nocturne depuis plusieurs semaines en Tunisie, mesures anti Covid-19 oblige, artistes et intermittents du spectacle ont protesté pour la première fois en grand nombre aux abords du siège du gouvernement à Tunis. Ils ont été durement réprimés. Images.
Depuis l’annonce en octobre dernier du rétablissement du couvre-feu nocturne de 20h00 à 05h00 (19h00 à 05h00 le weekend), et plus récemment la décision de le prolonger de trois semaines, leur colère gronde. « On pense souvent aux stars de façon ironique en arguant que leurs cachets faramineux n’ont fait que décroître. Mais on oublie les agents de sécurité, les techniciens, les cuistos, les serveurs, et autres travailleurs à la journée qui rentrent bredouille et n’ont plus de quoi nourrir leurs enfants », s’indigne un internaute.
Ce sont ces travailleurs de la nuit qui les premiers ont pris l’initiative de lancer d’abord en ligne la campagne « #Sayyeb_ellil », littéralement « libérez la nuit ! ». Une campagne qui se traduit sur le terrain par divers rassemblements, notamment devant le Palais de la présidence de la République, et les ministères de la Santé et de la Culture, jusqu’ici en vain.
C’est hier lundi 16 octobre qu’une escalade de la grogne a eu lieu, avec de premières échauffourées entre la police anti émeutes et les manifestants venus cette fois en nombre, pour en découdre. « Trop c’est trop » pour ces professionnels exsangues, vivant sous perfusion, sans aides particulières de l’Etat.
DJ dans les établissements les plus prestigieux de la capitale, Akram Chekki, désormais au chômage technique, a pu filmer les violences subies par les sit-inneurs qui ont aussi reçus du gaz lacrymogène lors de leur dispersion à quelques mètres du siège du Gouvernement où ils se dirigeaient.
Dilemme pour les autorités
S’agissant de la situation épidémiologique, la Tunisie vient de dépasser officiellement, que ce soit en nombre de contaminations ou en décès, l’Algérie voisine, pays environ quatre fois plus peuplé que les 12 millions de Tunisiens. Ainsi le cap des 81 mille cas, pour 2400 décès, là où l’Algérie ne compte que 68 mille cas pour 2168 décès.
On voit mal comment dans ce contexte de dégradation de la situation sanitaire le gouvernement pourrait assouplir ses mesures anti covid-19, dont l’interdiction des évènements culturels et des rassemblements. Si les Journées cinématographiques de Carthage (JCC) sont pour le moment maintenues, repoussées au 18 décembre, les Journées théâtrales de Carthage (JTC) ont quant à eux été annulées cette année.
Pourtant, face à la pression du secteur, le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Khaled Hayouni, a pour la première fois affirmé aujourd’hui mardi qu’un possible changement de l’horaire du couvre-feu « est envisageable », laissant sous-entendre qu’un assouplissement est imminent. De quoi probablement revenir sur la décision de fermer les cafés et restaurants dès 16h00, et alléger la pression sociale… Ce qui ne résoudra pas pour autant la situation des professionnels de la culture.