Le couvre-feu nocturne divise les Tunisiens
La veille de ce jour de prière du vendredi interdite dans les mosquées, les Tunisois qui ont vécu leur première nuit de couvre-feu décrété sur le grand Tunis restent divisés sur l’utilité de la mesure. Une division parfois sur fond de lutte des classes.
Il s’agit de la première mesure du genre, à Tunis, depuis le déconfinement de juin dernier. Elle durera pour deux semaines renouvelables. Première conséquence tangible pour les habitants de la capitale jeudi à la sortie des bureaux : des embouteillages monstres, qui ne sont pas sans rappeler le mois du ramadan.
Climat anxiogène
Dans une zone particulièrement dense comptant 2,7 millions d’habitants répartis sur les trois gouvernorats de Tunis, Ben Arous et la Manouba, beaucoup sont pris de la peur panique de ne pas pouvoir emprunter les transports en commun à temps pour rentrer avant 21h. Quant aux automobilistes, beaucoup ont la même idée de quitter les administrations plus tôt que d’ordinaire.
Pour les autorités publiques, le couvre-feu vise notamment à alléger la pression sur les admissions aux urgences, qui ont tendance à se multiplier de nuit, entre accidents de la route, bagarres, comas éthyliques, etc. Car la mesure a prouvé son efficacité. Si les scientifiques peinent à convaincre les plus sceptiques pour qui « le Coronavirus ne circule pas que de nuit », il est évident que la promiscuité exacerbée le soir, les terrasses de cafés achalandés, et autres bars où fumer n’est pas interdit, contribuent grandement à une courbe exponentielle si rien n’est fait.
Pour Mohamed El Ayeb, président de l’Institut Pasteur, « la Tunisie approche dangereusement à nouveau de la saturation de la capacité des hôpitaux publiques comme privés », d’où la décision politique de plusieurs gouverneurs d’imposer le couvre-feu de sorte d’éviter le deux poids deux mesures. Jusqu’ici, les rassemblements et évènements à caractère culturels étaient les seuls interdits, contrairement aux bars et aux cafés. Le couvre-feu vient donc apaiser les tensions entre corporatismes.
Pour ses détracteurs, il est aussi une solution de la facilité, le gouvernement Mechichi ayant échoué à faire appliquer, autrement, les protocoles sanitaires en vigueur. Si la plupart des Tunisiens semblent accueillir ce couvre-feu plutôt favorablement suite au climat anxiogène en marge des 1200 cas quotidiens annoncés, les professionnels du tourisme et de la restauration, métiers déjà exsangues, menacent de désobéissance civile. Ils réclament une nouvelle batterie d’aides à l’Etat.
27 mille cas connus sur 12 millions d’habitants
Selon un dernier bilan publié hier jeudi par le ministère de la Santé, le pays a enregistré 2357 nouvelles contaminations au Coronavirus les 6 et 7 octobre 2020, sur un total de 6212 tests effectuées. Le nombre des décès recensés pour la même période s’est quant à lui élevé à 45. Ce qui porte ainsi le nombre total de personnes décédées depuis l’apparition du premier cas de Coronavirus dans le pays, en mars dernier, à 409.
Le nombre total de contaminations enregistrées au cours de la période entre le mois de février dernier jusqu’ au 7 octobre courant, a atteint 26.899 cas sur un total de plus de 262 mille analyses menées par les équipes médicales depuis le début de la pandémie. Selon la même source, 554 personnes infectées par le virus sont actuellement hospitalisées dont 129 en soins intensifs et 53 sous respiration artificielle. « Notre objectif est de doubler nos capacités en lits de réanimation d’ici la fin de l’année 2020 », a tenté de rassurer le ministre Faouzi Mehdi.