Confinement : Le Dr Houda Hjiej nous conseille pour gérer les enfants
Comment nos enfants ont vécu cette période particulière ? Ont ils perdu leurs repères habituels ? Ils ont beaucoup vu d'écrans, pas fréquenté leurs amis et copains ou ont été entre deux parents divorcés. La pédopsychiatre et enseignante universitaire au CHU de Casablanca, Houda Hjiej revient sur le ressenti des enfants pendant cette période de confinement
Quel impact a le confinement sur les enfants ?
L'impact est très variable en fonction de plusieurs facteurs. L'âge rentre en compte ainsi que la personnalité de l'enfant en lui-même (angoissé, sociable, etc..). L'environnement dans lequel on est confiné peut aussi bouleverser l'enfant (la gestion par les parents du confinement)
Transmet-on ses peurs à son enfants pendant cette période ?
Les enfants ne passaient pas autant de temps avec leurs parents jusqu'à présent. Ils se retrouvent avec eux pendant un temps assez large. Même si les enfants ont en général une capacité à éviter les angoisses des parents, ça va se ressentir. Et puis, il y a ce sentiment de perte de contrôle qui est présent chez tout le monde en ce moment. Cela peut se traduire chez les parents par un besoin d'excès de contrôle vis à vis des enfants. Cela peut changer les relations parents/enfants, voir créer beaucoup d'angoisse chez les enfants. Enfin, il y a l'exposition des enfants par leurs parents devant les news, informations, le nombre de décès. Si derrière ces informations qui peuvent être choquantes pour l'enfant, il n'y a pas l'habitude de prendre le temps de tout expliquer à l'enfant, cela peut avoir des incidences sur sa perception.
Comment expliquez aux enfants le confinement ?
On a été agréablement surpris par la manière dont les enfants ont compris le confinement. Ils ont même fait des vidéos pour l'expliquer. Par contre, ça a été plus difficile pour les enfants qui ont un handicap. Les parents avaient beaucoup de mal à expliquer à leurs enfants qu'ils ne pouvaient pas sortir
Y’a t’il des âges différents pour mieux comprendre le confinement…
Ce n'est pas une question d'âge. Cela dépend de comment les parents vont trouver les mots pour expliquer. Plus l'enfant est jeune, moins il faut rentrer dans les détails. Un enfant de 2 ans peut comprendre même si le langage est pauvre. Plus que la compréhension, ce qui importe est l'acceptation. Elle va dépendre de la nature de l'explication fournie par les parents. Les enfants sont très réceptifs. Ils peuvent repérer les signaux d'angoisse chez les parents. Ils ont perdu le contact avec l'environnement extérieur. Il y a déjà une petite tristesse du fait de ne plus aller à l'école qui s'accumule avec des frustrations et des privations. Il faut donc éviter de les choquer.
Le confinement rompt le rythme de l’école. Comment peut on rétablir des rythmes scolaires ?
Même si l'école se déroulait à la maison, il y a eu une période de vacances. C'était bien de maintenir ce moment. Ils vont vivre leurs retours à l'école comme quelque chose de positif sauf pour ceux qui ont une phobie scolaire. Ceux qui sont dans ce cas, ont préféré la période de confinement car elle leur a permis de mettre en place un système d'évitement.
Comment doit-on moduler les espaces cours, jeux et repos dans un endroit confiné ?
Il faut de l'organisation. Les parents qui le sont par rapport à un planning de la journée, ont surement réussi à vivre et à faire vivre le confinement au mieux. C'est difficile à mettre en place. Plus les enfants sont jeunes, plus ils ont besoin d'avoir ce genre de programme. Il faut qu'il puisse s'adapter au télétravail des parents. Il est important aussi de garder des moments de plaisir que ce soit des activités de partage avec les parents ou être avec leurs amis sur les réseaux sociaux.
Le confinement, c’est aussi la fin des relations sociales entre les enfants. Comment peut-on le gérer ?
Quand ils sont grands, ils n'ont pas besoin de nous (rires). Les parents doivent se rendre compte que des enfants n'ont pas encore la capacité d'exprimer ce manque de relations sociales. Ils vont être tristes. Ils vont se sentir isolés mais sans forcèment chercher à se connecter à un ami ou un copain. C'est aux parents de prendre l'initiative. Si ils se coupent de l'école, le retour va être plus compliqué.
La période de confinement est aussi une période de forte dépendance aux écrans. Comment abordez vous ce phénomène ?
Il faut essayer de mettre en place un programme mais ça n'est pas toujours facile à tenir. La nouveauté du confinement, c'est que les parents ont plus de temps. Les réseaux sociaux et les écrans apportent du plaisir. Pour être au niveau de ce plaisir, il faut apporter du plaisir par la relation à l'autre. Les activités que les parents peuvent faire avec leurs enfants, peut réussir à faire baisser le niveau de dépéndance aux écrans. L'enfant saura ainsi que l'on peut varier ses plaisirs.
Dans les couples divorcés, les enfants se retrouvent chez l’un des deux parents. Comment éviter le phénomène de manque ?
La présence n'est pas forcèment une présence physique. Si l'enfant vit avec sa mère et garde le contact avec son père, par visio conférence, qu'ils discutent ensemble, qu'ils partagent des moments qui leurs sont propres (musique, histoire, etc..), ça peut diminuer un peu l'effet de la séparation et rendre les choses plus vivables. Après, cela dépend de la manière dont les parents gèrent la situation. La fatigue peut rentrer en ligne de compte ou au contraire le parent peut être heureux d'avoir son enfant tout le temps.
Dans le cadre d’und domicile avec des violences conjugales, quel doit etre le comportement à avoir alors qu’on est dans un espace confiné en présence de l’agresseur ?
On a constaté une augmentation des violences conjugales. Si l'enfant est confiné avec le parent violent, l'angoisse chez l'enfant va être double. Il faut surtout sécuriser l'enfant. Ce n'est pas propre au confinement. S'il y a une alternance, l'enfant va se retrouver avec le parent violent.
Quels conseils donnez-vous aux parents dans cette période-là ?
Il faut donner de l'espoir à l'enfant. Les projeter dans le déconfinement. Il faut leur expliquer dans le sens inverse. On a parlé de l'angoisse pour le confinement, il peut en exister une aussi au déconfinement. Il est important de pouvoir retravailler le changement. Il y a eu un changement de l'extérieur vers l'intérieur. Il faut le retravailler dans l'autre sens avec des précautions à prendre. En plus, on sait que l'on ne va pas vivre la vie de la même manière qu'auparavant. Les enfants sont libres, spontanés. Il va falloir leur faire accepter certaines frustations.
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