Tunisie – Echec retentissant du sit-in de la Kasbah 3ème édition

Nous faisions le point hier sur les dessous de la marche / sit-in du 15 juillet.  Mais à l’issue de cette journée de troubles, le coup de force annoncé par les forces en présence s’est avéré être, dès la mi-journée, un échec tant en termes de mobilisation que de communication. Un non événement dont les derniers soubresauts sont encore en cours à l’heure où nous écrivons ces lignes. Retour sur le fil des événements d’un après-midi sous haute tension.

 

Un centre-ville en état de siège

Nous arrivons sur place aux alentours de 13h00. Les premiers mouvements de foule avaient déjà eu lieu dès midi, mais la Place du Gouvernement est étonnamment vide. Motif : la quasi-totalité des manifestants sont alors dans les mosquées pour la prière du vendredi. Mais ils se donnent rendez-vous à la sortie nous promet-on.

Pendant ce temps-là, le dispositif policier et militaire, déjà imposant, finit d’assiéger la zone en bloquant tous les accès stratégiques menant à la Kasbah et à l’Avenue Bourguiba. Le cordon sécuritaire étant dissuasif, il condamne le plus gros des manifestants ainsi piégés à rester reclus sur la terrasse de la mosquée de la place, juste en face du Palais du gouvernement.

Là l’ambiance est d’abord festive avec des chants tantôt à la gloire des martyrs de la révolution dont on promet la vengeance, tantôt narguant le gouvernement et particulièrement Béji Caïd Essebsi, vieillissant Premier ministre et véritable tête de turc de la foule compacte de quelques centaines de jeunes et moins jeunes.

Mais la tension s’accroît périodiquement de façon très soudaine : on se teste, les plus irréductibles tentent des percées pour gagner du terrain, et la police charge violemment, les dispersant à coup de matraques et de bombes lacrymogènes dans un premier temps, et même de tirs de sommation nourris vers 15h00 heure locale. Le scénario se répète à l’identique trois fois et des échauffourées se poursuivaient au moment où nous quittions les lieux devenus irrespirables.

Les journalistes sur place se sont indignés d’une répression qu’ils ont qualifiée d’indifférenciée et gratuite. Mais les haut-gradés des BOP, très déterminés, ne voulaient rien entendre. Un cadre du parti CPR est même tabassé en voulant faire le forcing et traverser une barrière de sécurité. Vers 16h00, les rues aux alentours sont quasi désertes.

 

Des slogans anti-occidentaux

On savait que le mouvement avait été initié de façon quasi artificielle en ce début d’ouverture de la pré-campagne électorale par des identitaires davantage préoccupés par des questions marginales (antisionisme, anti libéralisme, etc.) que par le processus démocratique. Mais le degré d’hostilité de certains slogans levés cet après-midi avait de quoi étonner.

Ainsi pouvait-on lire « Game Over » sous les trois drapeaux français, anglais et américains sur plusieurs banderoles, référence sans doute aux prêts récemment contractés auprès du G8 et non encore finalisés. Ou encore « Le pays n’est plus à vendre » et autres « il faut criminaliser la normalisation avec Israël », etc.

Un bilan plus que mitigé en somme, surtout en comparaison avec les ambitions de l’un des principaux instigateurs de la marche : Ennahdha. Le parti islamiste entendait faire valoir son poids populaire en vue de faire pression sur l’instance de Ben Achour, et y obtenir soit des postes-clé, soit le départ pur et simple de celui-ci.

Même si un nombre conséquent de partis politiques (essentiellement les extrêmes) et d’ONG dont la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme, ont soutenu cette initiative qui reste une tentative avortée de destitution du gouvernement de transition, les agitateurs de ce fiasco logistique n’en sortent pas grandis : ils ont donné à voir au final l’image d’anti démocrates impatients et revanchards, voulant à tout prix court-circuiter le jeu démocratique sanctionné par des élections libres dans à peine 3 mois.

Seif Soudani