Tunisie – Comment les pages Facebook manipulent l’opinion
Les réseaux sociaux, Facebook en tête, ont joué un rôle majeur dans l’enchaînement tragique des événements ces dernières 48h dans toute la Tunisie. Un emballement dont la recette était visiblement bien orchestrée à l’avance. A l’heure qu’il est, il semble en effet établi à que les cyber agitateurs de la surenchère violente et non spontanée du weekend ont usé des méthodes d’intox les plus rodées. Cela succède à une propagande victimaire n’hésitant pas à instrumentaliser dans un premier temps les lieux de culte, dès le 15 juillet.
Les pages Facebook, le nerf de la guerre
Dès vendredi dernier dit le « Vendredi du Retour », nous avions déjà remarqué sur place la présence parmi les manifestants d’un certain nombre d’administrateurs connus de pages influentes (audience de plusieurs dizaines de milliers d’internautes). Des pages connues pour leur biais en faveur d’Ennahdha (parti avec lequel ils ont noué des contacts avérés) et plus généralement de l’islam politique.
Cela faisait quelques semaines que les pages en question préparaient, à coup d’effets d’annonce et de propagande anti laïque, cette journée de sit-in selon elles historique qui devait voir la fin du gouvernement de transition.
Là où il était censé favoriser un journalisme citoyen plus éthique en limitant le monopole des grands groupes de presse, l’amateurisme et la politisation de ce journalisme du web en ont fait, en pratique, un vivier de l’intox, une source de discorde au lieu de rapprocher, de rumeurs et de calomnies au lieu d’informer.
Modus operandi des propagandistes
Comment ont procédé ces pages pro Kasbah 3? Le principe est simple. Tout est bon pour créer le chaos. Il s’agit d’abord de :
– Faire croire à un événement de grande ampleur : à coup de plans serrés et d’hyperboles versant dans la surenchère verbale, il faut gonfler artificiellement le nombre des participants, et ostraciser les autres en les culpabilisant. La police, en tant que corps de métier tout entier, voit quant à elle traiter tous ses membres de chiens et de suppôts du « régime ».
– Il a y a ensuite les faux témoignages, comme celui de ce faux gendarme dont la vidéo circule sur les réseaux sociaux tunisiens, témoignant cagoulé mais déclinant son identité et son vrai nom dans une tirade ordurière visant à pousser les forces de l’ordre à la désobéissance à leur hiérarchie.
– Il y a aussi les montages photos : images truquées ou publiées avec de fausses légendes, comme celle de ces munitions de bombes lacrymogènes estampillées en hébreu et dont on voudrait faire croire qu’elles ont été utilisées en Tunisie, histoire d’achever de créer le parallèle « sionisme » et « gouvernement normalisateur ». Il s’est avéré qu’en réalité, la photo en question avait été prise en 2009, dans la Bande de Gaza.
– Régulièrement, on modifie enfin les titres des publications vidéo afin qu’elles aillent dans le sens de l’interprétation voulue, souvent mensongère, comme lorsqu’on suggère que des brigades spéciales descendant d’un bus s’apprêtent à attaquer une mosquée.
Plus grave, l’incitation directe à la violence, voire au meurtre. Ainsi, d’autres pages autoproclamées révolutionnaires apprennent la confection d’armes et de cocktails Molotov, en réaction à la répression policière.
Par ailleurs, censée être plus professionnelle que les « webeux », la couverture orientée Al Jazeera ne fait guère bien mieux. Il ne fait ainsi aucun doute pour la chaîne d’info qatari que, comme le dit la conclusion de son reportage, « rien n’aurait changé depuis la révolution en Tunisie ». Et que les manifestants de la journée du vendredi 15 lèvent l’appel à la prière est un acte non politique, parfaitement neutre et donc passé sous silence.
Dans ses émissions du weekend, il n’est pas rare que les éditorialistes de la chaîne posent de fausses questions et des interrogations rhétoriques telles que « est-ce que la révolution tunisienne était authentique ou bien était-ce de la comédie, une mascarade ? » à des invités sans contradicteurs.
A l’heure qu’il est, on commence à en savoir un peu plus sur les auteurs des actes de violence les plus graves ayant replongé le pays dans une spirale de la violence à l’approche des élections. La plupart des témoignages rapportent que le scénario typique est celui de salafistes violents s’en prenant à des policiers de garde, suivis d’une vague de casseurs et de pilleurs plus jeunes. Ce fut le schéma de l’attaque des bâtiments publics à Menzel Bourguiba qui a été la scène d’un pic des violences (4 policiers hospitalisés après l’incendie de leur poste), plus sporadiques ailleurs. Cette région du gouvernorat de Bizerte est en passe de devenir un bastion de l’islamisme le plus radical qui y recrute d’autant plus facilement que le taux chômage y est très élevé.
S.S.