Maroc. La guéguerre se poursuit entre islamistes et amazighs

Des activistes amazighs ont décidé de porter plainte contre le PJD, pour dénigrement de l’identité berbère et instrumentalisation de la religion comme moyen de propagande politique, ce qui est en parfaite contradiction avec les principes de la nouvelle constitution. Plus qu’un procès pour propos diffamatoires envers les berbères, les activistes demandent la dissolution du parti islamique.

Le conflit s’est déclenché au lendemain de la publication du projet de la nouvelle constitution, quand Abdelilah Benkirane ne s’était pas gêné pour « railler » la question de l’amazighité dans la constitution. Dans des vidéos qui ont fait le tour de la toile, le secrétaire général du Parti de la Justice et du Développement a fait répéter en chœur des phrases en berbère à un public hilare, en traitant le Tifinagh d’alphabet chinois.

L’amazighité reconnue et constitutionnalisée

Rappelons que les activistes amazighs du Maroc se sont toujours plaints de discrimination raciale, à tort ou à raison, du fait de la priorité accordée à la culture et au patrimoine arabes. Longtemps actifs pour venir à bout de cette situation, ils se sont souvent heurtés aux protectionnistes farouches de l’identité arabo-musulmane, qui voient dans la renaissance amazighe un danger pour la stabilité du Royaume.

Pour redonner confiance aux fervents défenseurs de l’Amazighité, des tentatives bien maigres ont été entreprises vers la fin du règne du défunt Roi Hassan II, comme l’adoption de la langue amazigh à l’école dans certaines régions du royaume. L’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM)  vit le jour en 2001 mais, bien que disposant d’une autonomie financière et administrative, il restait loin de répondre aux revendications des Amazighs du Maroc.

La constitutionnalisation de la langue et par conséquent culture amazighes, est venue appuyer la nette résolution du Royaume à reconnaître la multiplicité de ses cultures et ethnies.

Mis à part le PJD et l’Istiqlal, aucun parti politique ne s’est opposé à ce point qui a même été salué par les médias et institutions culturelles et des droits de l’homme.

Dans le cadre d’une conférence organisée à Rabat en début juillet, Lahcen Daoudi, économiste et membre PJD d’origine berbère, a justifié la position de son parti comme étant une protection contre l’enfermement identitaire, en rappelant les dégâts de la politique d’arabisation subie par les générations précédentes.

D’autres cadres du PJD, d’origine amazighe, ont exprimé leur appui à la cause amazigh, tel que Dr Saad Eddine El Otmani, l’ex secrétaire général du parti, qui vient d’animer le colloque  « l’amazighité au coeur du changement », lors du Festival amazigh « Twiza » à Tanger.

Pas de trêve à l’approche des élections !

Cela étant dit, les activistes amazighs continuent à voir en le PJD un ennemi dangereux. « Le populisme et le pouvoir de ce parti sont de taille à menacer la sécurité des berbères dans le Royaume », insiste l’activiste et chercheur Ahmed Arehmouch.

Les associations berbères, qui jusque là restaient à l’écart de l’échiquier politique, comptent également mesurer leur ascendant populaire, en luttant contre le parti islamique aux prochaines élections.

Abdelilah Benkirane, qui s’était excusé auprès de tous les amazighs du Maroc, ne démord pas de ses accusations de guerre anti-arabe et antireligieuse menée par certains pôles d’activisme amazigh. Pour preuve, le désir de certains dirigeants d’adopter l’alphabet latin pour les langues berbères, au lieu de l’alphabet arabe, et leur revendication de la « laïcité » qui ne peut, selon lui, que dissimuler un athéisme sous-jacent !

Fedwa Misk