Elections : les Tunisiens s’inquiètent devant la lenteur des inscriptions
A cinq jours de la fin du délai imparti aux enregistrements aux listes électorales pour la Constituante, inquiétudes et interrogations se multiplient chez les tunisiens de Tunisie et de l’étranger. Nous venons en effet de passer à peine le cap symbolique du million d’inscrits, l’Instance Supérieure Indépendante pour les Élections annonçant il y a quelques heures sur sa page Facebook : « Le nombre de citoyens tunisiens inscrits en Tunisie s’élève à 1.102.946 ». Cela reste relativement peu pour assurer une solide légitimité à une élection ciblant 7.5 millions d’électeurs potentiels.
Pourra-t-on tout de même voter si l’on n’a pas pu s’inscrire à temps ? Y aura-t-il prolongation des délais d’inscription ? Qu’en est-il de la multiplication attendue des bureaux d’inscription ?
Nous avons essayé de nous renseigner auprès de l’ISIE. Résultat : Quelques réponses exclusives mais globalement une certaine de langue de bois, et une chargée de communication ne semblant pas pressée de répondre. Il faut dire qu’une conférence de presse de l’Instance est annoncée pour demain matin au siège du Conseil économique et Social. Elle reviendra sur le processus et les modalités d’inscription ainsi que les accréditations nécessaires pour
les futurs observateurs des élections.
Eléments de réponse
A la question pourra-t-on voter sans inscription préalable, voici ce que nous a répondu une source à l’ISIE souhaitant garder l’anonymat :
« Nous avons essayé d’établir des bases de données les plus justes et les plus précises possibles, il ne s’agit pas pour nous d’empêcher les citoyens non-inscrits de voter. Nous sommes conscients du désabusement des gens après 23 ans de dictature et de leur désintéressement du processus électoral et de la politique en général, mais ceux qui ne se seront pas inscrits s’exposent à :
1. Ne pas pouvoir voter dans le bureau de vote le plus proche de chez eux, la proximité étant non garantie en l’absence d’inscription.
2. Au risque élevé de ne pas pouvoir voter (CIN perdue ou refaite qui fausse la base de données, CIN récente, etc. Contrairement aux inscriptions dans les listes consulaires à l’étranger utilisant aussi des bases automatisées par défaut, les CIN sont soumis à davantage d’aléas. »
En clair, oui il sera possible de voter malgré tout, mais il est compréhensible que l’Instance ne souhaite pas communiquer là-dessus du moins pour l’instant afin d’encourager un maximum de citoyens de faire la démarche d’inscription, seule garante d’un processus fluide et sans risques le jour du vote.
Des lacunes logistiques
Malgré toute la bonne volonté indéniable depuis le 11 juillet de la part de l’Instance dédiée et celle constatée sur place par une armée de bénévoles ayant sacrifié vacances estivales et confort à l’appel de ce devoir citoyen pour aider au bon déroulement du processus des inscriptions, nous avons pu relever quelques erreurs logistiques, de jeunesse diront certains, mais qui auraient pu être évitables de l’avis de nombre d’observateurs.
Ainsi ce n’est que depuis le mardi 26 que l’ISIE a indiqué que les tunisiens résidents à l’étranger et se trouvant en Tunisie pendant la période d’inscription pouvaient s’inscrire auprès des sièges des instances régionales.
Consciente que ses objectifs sont loin d’être atteints et face à la pression des délais, l’ISIE vient d’étendre l’ouverture de certains bureaux d’enregistrement de 8h à 20h, 7 jours / 7. Un rythme qui peut en théorie permettre un maximum de 200.000 nouveaux inscrits par jour. Il ne reste plus qu’à espérer que l’afflux s’accélère à mesure que l’ultimatum approche. Mais les plus pessimistes parlent déjà de l’impossibilité d’atteindre ne serait-ce que 2 millions d’inscrits…
Dans ces conditions, il commence à se dire ici et là qu’une extension d’une semaine est souhaitable et serait même à l’ordre du jour malgré le fait qu’elle coïnciderait avec la première semaine du ramadan.
Contactée pour obtenir une confirmation à ce sujet, Kaouther Hamdi, attachée de presse de l’ISIE nous a confié ceci :
« Une prolongation du délai des inscriptions n’est pas à l’ordre du jour aujourd’hui mais l’instance se réserve bel et bien cette possibilité qu’autorise le décret-loi régissant l’opération des enregistrements. Normalement, l’instance avisera en fonction du nombre total final des inscrits et qu’il se peut qu’il y ait effectivement une prolongation, théoriquement du moins. »
Enfin, pour achever un tableau peu reluisant, Anouar Moalla, un observateur bénévole en déplacement au Kef mardi dernier avait rapporté que les unités mobiles d’enregistrement, chargées de couvrir les zones rurales les plus reculées, n’étaient toujours pas opérationnelles, à une semaine de la fin du délai des inscriptions… La même source de l’ISIE nous a confirmé que ces unités sont bien opérationnelles depuis peu.
Quoi qu’il en soit, que les décisions ne soient pas encore prises ou qu’elles soient prises en dernière minute et réservées à la conférence de presse de demain sera une mise au point déterminante pour en savoir plus tant sur les aspects techniques ayant trait à l’inscription que politiques (éventuel report), c’est ce que nous a assuré Souad Saï, chargée de la communication à l’ISIE. Le Courrier de l’Atlas sera sur place pour en faire une couverture exhaustive.
Seif Soudani