Tunisie – Meeting du PDM : la tentation populiste ?


 

 

 

 

 

 

 

 

 

A l’approche des échéances électorales de la Constituante, les plus importantes formations politiques tunisiennes en pleine phase de pré-campagne électorale, entrent tour à tour en scène. Moyennant une surenchère du toujours plus grandiose, même le plus théoriquement républicain et moderniste d’entre les partis en lice, le Pôle Démocratique Moderniste,  n’a pas été à l’abri d’une certaine ambiguïté dans les messages confus donnés par son meeting le soir du samedi 20 août, allant même jusqu’à flirter avec des thèmes ouvertement populistes.

Comme nous l’écrivions il y a deux mois jour pour jour à l’occasion de sa création, l’intention première ayant présidé à la formation d’un tel pôle est celle d‘une coalition de partis dits de la gauche des valeurs afin de faire barrage plus efficacement à la déferlante Ennahdha. Mais un tel calcul, très politique et intellectuellement souvent perçu comme « élitiste », n’est probablement pas assez fédérateur à lui seul pour remplir la grande enceinte du Palais des Sports d’El Menzah.

Une ambiance digne des années 80

Quoi qu’il en soit, il semble que le PDM ait voulu mettre toutes les chances de son côté en termes d’audience, en invitant en guest star le militant historique palestinien Nayef Hawatmeh, secrétaire général du Front Démocratique de la Libération de la Palestine. Un choix incarnant selon les organisateurs la solidarité entre la Tunisie et les autres révolutions arabes. Accueilli en rock star par environ 10.000 personnes survoltées, l’homme n’a pas rechigné à jouer son rôle : en tribun aguerri et plutôt énergique pour ses 76 ans, il a harangué la foule comme au bon vieux temps de l’intifada, fustigeant les divisions des palestiniens et affirmant que Jérusalem serait bientôt la capitale d’un Etat palestinien qui verra le jour avant la fin de l’année.

Même si l’homme a évolué au fil du temps, avec un relatif abandon du marxisme (à l’instar du PDM) et du nationalisme panarabiste, quelques expressions comme « capitalisme », « impérialisme américain » ou encore « entité sioniste », très chargées idéologiquement, furent lâchées et manquèrent pas de déclencher enthousiasme et applaudissements.

Au point presse réservé aux journalistes, des keffia palestiniennes aux couleurs du FPLP furent distribuées à tout le monde dans une ambiance davantage consensuelle que de débat. C’est là qu’on vit à ses côtés Ahmed Brahim, chef d’Ettajdid, qui se montra très discret le reste de la soirée, sans doute histoire de ne pas prêter le flanc aux critiques d’instrumentalisation du Pôle à des fins personnelles ou encore de monopole d’Ettajdid au sein du pôle essentiellement constitué de petits partis satellites de ce dernier.

Erreurs de communication ?

Au terme de la première heure de meeting, force était de constater que la moyenne d’âge des intervenants qui se succédèrent au micro n’était guerre en adéquation avec le modernisme prôné.

Et il semblait clair que, vu la frilosité et les précautions oratoires prises par les présentateurs du parti, le mot d’ordre était de rassurer : pas une fois l’on n’a parlé de droits de l’Homme, d’universalisme, sans rappeler aussitôt l’attachement à « l’identité arabo-musulmane ». Jamais il n’a été question de parler du projet moderniste du PDM, sans l’inscrire dans la consolidation des acquis tunisiens : « nous n’importons rien comme idées de l’extérieur » a tenu à rappeler une militante.

A l’issue de la soirée, beaucoup de jeunes semblaient avoir été comblés par un défoulement convivial et une empathie avec la cause palestinienne, mais combien avaient retenu les enjeux de l’engagement moderniste pour la prochaine constitution ou compris la nécessité du combat pour la laïcité évoquée une seule fois en début de meeting ?

Aujourd’hui, bien que légitime, la question palestinienne semble de plus en plus obséder l’ensemble de la classe politique tunisienne qui a pourtant beaucoup à faire sur le plan national, seuls deux grands partis ayant notamment à ce jour publié leur programme économique. Voilà qui aide encore moins des électeurs tunisiens déjà en peine pour faire leur choix parmi la centaine de partis autorisés depuis la révolution.

Désormais spectateurs de grands rassemblements qui se ressemblent tous en ce qu’ils se détournent des questions essentielles au profit de sujets faciles et convenus, les électeurs des premières élections libres de la région passent aussi à côté de l’occasion d’être les poseurs de jalons d’autres nations arabes à démocratiser, préférant applaudir des symboles de la nostalgie d’une autre époque dont la Tunisie n’a pas grand chose à apprendre.

Seif Soudani