Tunisie – Naissance de l’UPL, le parti de l’argent roi

Un nom aussi grandiloquent que bateau (Union Patriotique Libre), des moyens engagés étonnamment gigantesques et une campagne publicitaire omniprésente dans les rues et les médias, c’est en somme tout ce que le grand public sait à ce jour de l’UPL, le parti âgé de 2 mois du non moins obscur Slim Riahi, 39 ans.

A y regarder de plus près, le peu d’informations que contient le site web du parti, quelque peu brouillon, sommaire et au français approximatif, présente les contours de la droite la plus décomplexée : mise en avant du CV de chefs de grandes entreprises avant tout de ses 4 dirigeants, présentation du leader du parti en tant que « jeune patriote tunisien arabo-musulman » et insistance sur le caractère « concret » et « immédiatement réalisable » des propositions du parti, selon un certain anti intellectualisme qui réduit le programme de ses concurrents à des « déclarations d’intention ».

Pourtant, dans les faits, le « programme ambitieux » annoncé ne se résume pour l’instant qu’à « 5 piliers politiques » fleuves (l’un d’eux étant laconiquement « les affaires étrangères » symbolisées par une image représentant les drapeaux tunisien et palestinien), et « 7 piliers économiques et sociaux pour assurer un développement équitable » aussi précis que « Emploi: Un diplôme c’est bien, un emploi c’est mieux », ou encore « Croissance : Vers un nouveau modèle de développement »…

Dans une vidéo de dix minutes diffusée mardi, le numéro 2 du parti, Najib Derouiche, présente assez laborieusement « l’histoire et la méthode du parti ». Une vidéo dont plus du tiers est consacré en réalité à louer le chef du parti sur le mode victimaire (Slim Riahi est le fils d’un ex opposant à Bourguiba ayant fait fortune dans l’exil en Grande-Bretagne), ce qui laisse augurer d’un certain culte de la personnalité digne de l’époque pré révolution.

Acheter les voix des plus démunis

Mais ce qui a créé un début de polémique, c’est une séquence vidéo qui circule depuis hier sur le web tunisien où l’on voit des centaines de personnes se bousculer pour arracher chacune un carton aux couleurs du parti rempli de denrées alimentaires. De nombreux internautes n’ont pas manqué de fustiger des pratiques que l’on croyait révolues, consistant en cette dérive du mélange malsain entre charité et prosélytisme politique. Une confusion des genres qui fait tâche dans une révolution dite de la dignité.

Riahi lui-même reste discret, volontairement en retrait, l’homme ciblerait davantage le long terme selon certains de ses collaborateurs qui nous ont clairement suggéré que c’est une candidature aux futures élections présidentielles qui intéresse le milliardaire. Reste que sa double nationalité tuniso-britannique pose potentiellement problème, à moins d’un changement à ce sujet dans la Constitution qui se prépare.

Il est clair aujourd’hui que la Tunisie libérée du joug de la dictature et des clans mafieux est une Tunisie à nouveau convoitée par d’autres mégalomanies et ambitions de personnalités qui malgré leur pragmatisme sont souvent depuis longtemps déconnectées des réalités du pays. C’est sans compter en effet sur la conscience politique nettement en hausse des Tunisiens depuis l’explosion du débat politique et la libération de la parole depuis le 14 janvier.

La vigilance de la blogosphère locale a d’ores et déjà pu établir qu’une grande partie de la fortune de l’apprenti politicien chef de l’UPL est le fruit de ses activités pétrolières en Libye, elles-mêmes rendues possibles du fait de sa proximité avec le clan Kadhafi, plus particulièrement son amitié avec Seif Al Islam aujourd’hui en fuite. Et ce n’est pas l’affrètement par le businessman de 4 avions Boeing 747 en février dernier pour rapatrier les travailleurs tunisiens lors de l’éclatement de la guerre civile libyenne qui fera oublier cette erreur de parcours qui risque d’être fatale à ses aspirations politiques.

Seif Soudani