Sport – Nasri : Virage bien négocié

 Sport – Nasri : Virage bien négocié

Nasri a traversé une zone de turbulences avant de réussir à qualifier les Bleus pour l’Euro. Photo AFP.

Au centre des débats après des sorties décevantes avec l’équipe de France, Samir Nasri s’est ressaisi au moment idoine pour finalement envoyer la France à l’Euro. Histoire d’un virage glissant, en fin de compte bien négocié.

« On lui fait confiance, il doit nous rendre cette confiance. » Voilà la petite phrase de Laurent Blanc qui avait mis hors de lui, Samir Nasri. C’était le 10 août, au terme d’un match face au Chili, où le natif de Marseille avait déçu. Dans France Football, Nasri avait répliqué sans attendre : «Ça veut peut-être dire qu’il m’estime beaucoup. Mais après, ce n’est pas en le répétant publiquement que ça va s’améliorer.» De quoi agacer un sélectionneur attaché à l’humilité de ses ouailles.

En cette première quinzaine du mois d’août, Samir Nasri se trouve en pleine zone de turbulences. Il cherche à quitter Arsenal, mais son transfert à Manchester City tarde à se concrétiser. Avec les Bleus, il s’affirme devant la presse, mais pas sur le terrain. Le genre de période où l’on peut perdre beaucoup ; celle où l’on peut rebondir aussi.

Finalement, son départ d’Arsenal, où il évoluait depuis 2008, se concrétise le 24 août. Titularisé d’entrée par Roberto Mancini malgré l’effectif saturé de talent des nouveaux riches de Manchester, Nasri se montre à son avantage. Sur ses deux premiers matches, le milieu offensif délivre quatre passes décisives.

Malgré son début de saison canon en Premier League, Laurent Blanc semble toujours dubitatif. Face à la Roumanie, le 6 septembre, l’ex gunner verra son temps de jeu limité au dernier quart d’heure. Peut-être une manière pour le sélectionneur de faire prendre un bain d’humilité à un joueur trop revendicatif.

Mais Blanc n’est pas du genre à ostraciser un élément au moindre dérapage, à l’inverse de son prédécesseur. Pour les deux derniers matches de la campagne éliminatoire, Nasri est titularisé. Face à l’Albanie, il livre une passe décisive à Rémy. Puis, face à la Bosnie, il arrache quasiment en solitaire la qualification pour l’Euro, provoquant le pénalty, avant de le transformer. « Le but le plus important de ma carrière », confia-t-il au coup de sifflet final.

D’abord présenté comme le nouveau Zidane, on a longtemps fait peser sur Nasri des responsabilités trop grandes pour ses frêles épaules. Faute d’un jeu long d’élite et d’un physique à endurer la pression subie par un meneur de jeu, l’influence du milieu offensif d’origine algérienne ne peut se comparer à celle de son aîné. Mais son sens du dribble et de la passe courte en font bien un facteur déséquilibrant dans la zone où il oeuvre.

Mardi soir, au diapason de ses partenaires, il est apparu fébrile en première période, au point de manquer une poignée de passes largement dans ses cordes, mais il ne s’est jamais caché, et a fini par emporter la décision quand les Bleus commençaient à fixer le chronomètre avec anxiété.

Dispensé de Coupe du Monde 2010, choix de Domenech oblige, Nasri voudrait enfin briller lors d’une compétition internationale. L’Euro constitue une opportunité idéale pour lui. Attention toutefois à ne pas ployer sous le poids des responsabilités trop grandes qu’il s’imposerait, celle d’un sauveur. La responsabilité de Nasri est, avant tout, d’exceller sur la zone du terrain que lui confie Laurent Blanc. Nasri n’a que 24 ans. Pas l’âge d’un capitaine. Mais déjà celle d’un joueur qui ne doit pas faillir à son équipe. « Je reviens de loin », a-t-il reconnu au terme de France-Bosnie. Pour aller plus haut ?

Thomas Goubin